Un préfet à Paris…

Nicolas Sarkozy est bien l’homme de la rupture : rupture des engagements pris, rupture du principe d’égalité entre citoyens au moyen d’une politique visant à protéger les classes les plus favorisées, rupture du pacte républicain, notamment avec l’ouverture d’un débat nauséabond sur l’identité nationale et pour ce qui nous amène ici, rupture avec les usages de la république en dévoyant leprotocole de la présidence.

C’est en effet la première fois dans l’histoire de la Vème république qu’un préfet aura été reçu avec les honneurs dus à un chef d’état, couverture médiatique maximale à l’encan.

Alassane Ouattara, le boucher d’Abidjan, brave petit soldat d’un ordre mondial se vautrant dans la rapine et le crime de masse, vivant de la spoliation des peuples, au nom des droits de l’homme, de la démocratie et du progrès humain, a été l’heureux bénéficiaire de cette entorse aux traditions républicaines, dernier crachat sarkozyste à la face de l’Afrique.

Avec les honneurs…

Reçu par Claude Guéant, son ministre de tutelle, sur le tarmac de l’aéroport d’Orly le 25 janvier 2012, le préfet-sident ivoirien, les mains encore tachées du sang de ses compatriotes, a été invité à faire la tournée des grands ducs, ou du petit roitelet nègre.

Pour avoir docilement accepté de laisser l’ancienne puissance coloniale, ruinée et en proie à un chômage de masse, se servir à volonté dans les richesses appartenant au peuple ivoirien, ce démocrate de pacotille, entré en fonction juché sur un char de la force Licorne, a pu gouter les délices trois jours durant, de l’hospitalité d’état à la française, flanqué qu’il était de sa moitié (dont il devrait d’ailleurs se méfier : son appétence, pour tout ce qui ressemble à un premier ministre ivoirien à la dentition rayant le parquet, est bien connue…).  Quel honneur pour le préfet d’un TOM* de la France d’être convié à diner sous les lambris de l’Elysée !

Se taper la cloche en compagnie de Carla Bruni-Sarkozy, alors qu’on devrait casser la croute en cuisine, avec le majordome et le petit personnel, ça a vraiment de la gueule, une semaine tout juste après avoir réprimé dans le sang (mais démocratiquement) un meeting politique de l’opposition…

Nulle Rama Yade récitant, comme un perroquet, sa leçon sur la grandeur d’une France qui «n’est pas le paillasson sur lequel on vient essuyer ses babouches ensanglantées», nulle presse indépendante, objective et incorruptible asticotant  par le biais de questions pleines d’impertinence et d’à-propos l’apprenti dictateur. Chantre du parti unique à une époque pas si lointaine où il embastillait Laurent Gbagbo (non pas à la Haye, mais à Abidjan) et devenu par l’opération du diabolique-esprit un démocrate promoteur de la démocratie dans une Afrique troublée…

Une si belle amitié…

Alassane Ouattara

Heureux, plutôt maudit, soit Ouattara, lui qui change les bulletins de votes en cadavres, la démocratie en dictature, la Côte d’Ivoire en pays mendiant, suppliant pour une aumône qu’elle devra rembourser jusqu’au dernier centime d’euro, avec les intérêts.

Mais que peut faire un préfet, lorsque les finances publiques sont à sec, si ce n’est venir quémander des crédits à son administration centrale ?

Évitant soigneusement les comités d’accueil franco-ivoiriens venus manifester leur réprobation à sa réception en France, l’autocrate abidjanais s’est confondu en embrassades chaleureuses avec son «ami de 20 ans», occupé à chercher une entreprise de déménagement chargée de vider les locaux élyséens, avant le début  du mois de mai.
Sourires figés, et diction hésitante, il n’a cessé de célébrer le renouveau de l’amitié France-Côte d’Ivoire et d’assener mensonges sur billevesées au sujet d’un pays  imaginaire, pacifié et sur le chemin d’une croissance à deux chiffres.

Nicolas Sarkozy, tombé si bas dans les sondages qu’il est plus qu’évident qu’il finira par découvrir un gisement pétrolier avant le premier tour de la présidentielle, buvait du petit lait, trop content de rappeler à son opinion publique, hypnotisée par le fade François Hollande, qu’il fut à l’origine de la démocratie, de la paix, de la prospérité, du bonheur, de la liberté, de la joie, du développement en Côte d’Ivoire…

N’en jetez plus, les duettistes ont joué leur partition à la perfection ! Le français intoxiqué par la propagande mensongère de son gouvernement, enjolivant les raisons de l’implication de son armée et de rôle de celle-ci en terre ivoirienne, trompé par une presse se roulant quasi-unanimement dans le caniveau de la désinformation et se baignant dans la boue du mensonge, relayant les plus putrides ragots, ne peut que s’enorgueillir de l’action de son pays. Non seulement les bienfaits de la civilisation sont à mettre à l’actif sa patrie, mais une mise à jour démocratique a été faite au prix négligeable des vies de quelques méchants gbagboïstes.
La France reste le phare mondial éclairant liberté et droits de l’homme…

Le cœur à gauche…

N’insultant pas l’avenir,  le simili-président ivoirien a profité de son séjour pour rencontrer Bertrand Delanoë, le maire de Paris. On le sait depuis Cheick AntaDiop, en matière de politique africaine, la droite et la gauche se valent, et parfois la gauche est plus minable que la droite. Une fois de plus la justesse d’analyse du grand homme a été vérifiée.  Le Parti Socialiste s’est, cette fois encore, fourvoyé, adoptant une lecture passéiste des réalités africaines et en soutenant Ouattara tout le long du coup d’état orchestré par les casques bleus-blancs-rouges.

En lui réservant un accueil chaleureux, à travers son édile parisien, le Parti Socialiste s’est rappelé à la mémoire des afro-français en cette période électorale. Hormis l’instrumentalisation des quartiers populaires et des «minorités visibles» dont il est coutumier à l’approche d’élections, le PS lorsqu’il accède aux responsabilités, applique les mêmes politiques que la droite en Afrique.

Ceux, encore ignorant de cela, s’improvisant représentants de la communauté noire de France et soutenant la candidature de Hollande doivent savoir que leur consigne ne sera pas suivie dans l’isoloir.
Ne serait-ce que pour châtier la lâcheté de ses dirigeants et l’amoralité de sa position sur le dossier ivoirien, le PS doit être désavoué.

Qui niera d’ailleurs qu’au sujet de l’Afrique, droite et gauche de gouvernement ne sont que les deux faces d’une même pièce…

Les médias au diapason…

Les aventures parisiennes du préfet d’Abidjan n’eussent été complètes sans l’aimable concours des médias français. Nul n’ignore le degré d’ignorance et de malhonnêteté intellectuelle caractérisant la presse française, lorsqu’il s’agit de traiter des rapports France-Afrique.**

Et pourtant, dans le cadre de la crise ivoirienne, les médias français ont réussi à se surpasser. Reportages bidonnés, fausses informations, mensonges, déformation de la parole émanant des proches de Laurent Gbagbo, ont été les piliers du raisonnement journalistique des mois durant. L’Humanité mis à part (et le Canard enchainé, en de trop rares occasions), les médias français ont, sur ce sujet, bradé leur honneur. Pour un plat de lentilles, voire surement moins, des journalistes pseudo-spécialistes de l’Afrique, ont créé un personnage de fiction :«Alassane Ouattara président reconnu par la communauté internationale», soutenu par toutes les rédactions de France et de Navarre (par leur soutien inconditionnel, elles se sont rendues indirectement complices de crimes contre l’humanité).

Alassane Ouattara

Pour ce même plat de lentilles, voire surement moins, ils ont créé un nouveau personnage à l’occasion de l’escale parisienne du préfet des tropiques, invité notamment sur les plateaux de France24 et d’Itélé : «Alassane Ouattara le nouveau président de la Côte d’Ivoire».

Ce dernier a été interviewé par ce qui se fait de plus insignifiant, de plus incompétent, en matière d’actualité africaine : MM Attal et Boisbouvier (pour RFI) sur le plateau de France 24et M. Galzi sur Itélé. 

Sylvain Attal officiant sur France «Propagande» 24 avait déjà démontré sa méconnaissance rédhibitoire du continent africain lors de l’élection présidentielle en République Démocratique du Congo.***
Face à ces trois éminents journalistes pourtant ignorants des réalités africaines, singeant le M. Jourdain du bourgeois gentilhomme, et qui se plaisent à faire de la propagande sans le savoir, Alassane Ouattara a joué sur du velours. Il ânonné le discours qu’il répète en boucle (avec quelques variantes) depuis qu’intronisé préfet par Nicolas Sarkozy,  il se glisse lors de visites officielles dans les vêtements du président d’un pays souverain qui s’appellerait Côte d’Ivoire. 

Dans le récit qu’il est bien le seul à croire, la Côte d’ivoire est sécurisée. Il va sortir le pays de la pauvreté.
L’accord de défense  qu’il vient de signer en France est un partenariat mettant l’accent sur l’équipement et la formation de l’armée ivoirienne. Il a soigneusement évité de répondre à toute question portant sur une éventuelle clause d’intervention de la France en cas de coup d’état. 

Il est évident que ce sujet a été abordé et que l’accord contient cette garantie, qu’elle soit secrète ou non.
En bon Néron des tropiques, vivant la peur au ventre, Ouattara  doit être assuré de l’intervention de son supérieur siégeant à l’Elysée en cas de coup dur… 

Mentant comme un arracheur de dents, il a affirmé, sans que les ersatz de journalistes l’interviewant ne lui portent contradiction, que Laurent Gbagbo assassinant les ivoiriens avec des armes lourdes, la Côte d’Ivoire aurait connu un génocide coutant la vie à un million de civils n’eut été l’intervention de la France.

Luttant manifestement contre le même ennui assaillant le téléspectateur écoutant sa soporifique litanie, il a déclaré lutter de toutes ses forces pour que justice soit rendue et  œuvrer à la comparution devant la CPI ou les juridictions ivoiriennes, de toute personne responsable de crimes durant la crise post-électorale. Aucun des journalistes présents n’a eu la présence d’esprit de lui demander la date de sa reddition… Finissant cette ode à sa propre gloire, Alassane Ouattara a supplié les PME françaises de revenir investir en Côte d’Ivoire, en clair: venez vous servir…

Ce que nous appelons laquais, sous un autre nom, même celui de président, suivrait toujours son maître…****

Cette visite d’état, organisée par les bons soins élyséens, avait pour finalité de créer une stature de chef d’état au préfet-sident d’Abidjan. Elle n’a fait que renforcer l’impression d’inféodation qui exsude de sa personne. 
Qu’il soit paré d’un costume sur mesure, qu’il ait remisé sa livrée dans un placard, un laquais invité à la table du maître, se comportera toujours en laquais.  Quels que soient ses efforts, Alassane Ouattara se départira difficilement des images de vassal et de criminel de guerre qui lui collent à la peau.

Nicolas Sarkozy, achève son mandat en manifestant le même mépris pour l’Afrique et ses populations, qu’il affichât naguère à Dakar en prononçant le gobinesque discours écrit par Henri Guaino. Qu’il se rassure, les peuples africains ne le méprisent pas, ils le vomissent.  Heureusement pour l’Afrique et les français, son règne approche de son terme, il sera bientôt évoqué uniquement au passé.

Les médias français, fidèles à leur ligne éditoriale «africaine», ont tronqué la réalité et sans recul ni professionnalisme, servi la soupe au pouvoir.  Leur manque de discernement et leur absence d’honnêteté ont creusé un fossé avec les afro-français, qu’il sera impossible de combler. Leur parole démonétisée ne choque même plus, elle fait plutôt sourire tant ils ont perdu le monopole de l’information traitant de l’Afrique.

Entre un exécutif français à bout de souffle, une gauche de gouvernement sans morale ni principes et une presse prostituée, Alassane Ouattara aura bien choisi ses soutiens.

Ils sont inopérants sur les masses africaines et sur le long terme. Il lui suffit pour cela d’observer son ami et caution démocrate lors de la crise post-électorale,  le sénile-galais Abdoulaye Wade, qui de par son comportement autiste galvanise les foules qui ne manifestent qu’un seul désir : le chasser  de sa fonction de président.

L’hubris du pouvoir, a permis hier à Alassane Ouattara de ravir la place de Laurent Gbagbo, elle est aujourd’hui la raison qui mène Abdoulaye Wade à sa perte, demain elle sera sans nulle doute la cause de la chute du préfet-sident d’Abidjan…

Ahouansou Séyivé

 
* TOM: Territoire d’Outre-Mer.
** http://alternativesetcoherence.blogspot.com/2012/01/propagande-mensonges-et-desinformation.html
*** http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=twiygcZox1I
**** Librement adapté de ce vers tiré de Roméo et Juliette “Ce que nous appelons rose, sous un autre nom, sentirait aussi bon” William Shakespeare.
***** Référence à Joseph Arthur de Gobineau, auteur d’ “Essai sur l’inégalité des races”.

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