Côte d’Ivoire. Rebelote: Les FRCI de retour dans les rues

Près de deux mois après les mises en garde d’Alassane Ouattara contre les Forces républicaines de Côte d’Ivoire (Frci) suite aux événements malheureux de Vavoua, ceux-ci commencent à regagner les rues sous le regard des autorités, malgré la présence de la police militaire censée les traquer.

Chasser le naturel il revient au galop. L’auteur de cette phrase ne croyait pas si bien dire. Les Frci qui avaient disparu des rues d’Abidjan au lendemain des menaces proférées par le chef de l’Etat Alassane Ouattara qui, «écoeuré», avait fini par brandir le bâton, sont de retour. En effet, suite aux affrontements entre les Frci et populations malinké de Vavoua le 18 décembre 2011, des événements qui ont causés la mort d’au moins cinq personnes, Alassane Ouattara avait convoqué une réunion d’urgence le lendemain 19 décembre au palais présidentiel au Plateau, qui avait réuni ses «sécurocrates».

Alassane Ouattara, qui voulait en quelque sorte tenter de contenter la grogne qui allait crescendo des populations contre les «sauveurs », a avec ses collaborateurs, arrêté des mesures contre les soldats indélicats des Frci qui fouleraient au pied la discipline militaire : poursuite judiciaire à l’encontre de ces 7 éléments incriminés à Vavoua, retour immédiat des anciens chefs d’unité dans leurs bases d’origine pour procéder à l’encadrement et au désarmement de leurs éléments, avant d’éventuels regroupements, création d’une Police militaire pour «procéder sous 48 heures à l’inspection et à la traque dans les rues d’éléments incontrôlés et de tous véhicules et motos estampillés FRCI inconnus dans les fichiers du parc automobile de l’Armée afin que ces voitures et motos ne circulent plus».

Selon le ministre délégué à la Défense, le locataire du palais présidentiel du Plateau a exigé, au cours de la rencontre, «la tolérance zéro» en matière d’inconduite vis-àvis de la discipline militaire. «Cette police militaire aura pour rôle d’inspecter dans les rues, de traquer, au vrai sens du terme, tous ces jeunes soldats qui font le rodéo dans la ville et qui se promènent en véhicules estampillés Frci ou à moto. Le chef de l’Etat a donné 48 heures pour que ces véhicules ne circulent plus dans nos rues», déclarait Paul Paul Koffi.

Chassez le naturel, il revient au galop

Les éléments des FRCI qui avaient dans les premiers instants de ces menaces fait profil bas commencent à revenir dans les rues. Un détour à Abobo, Yopougon et surtout à Adjamé suffit pour s’en convaincre. A Adjamé où ils paradent à souhait armes au poing, les soldats des FRCI sont très visibles. Mairie, mosquée, Sitarail, rond point de STIF, dans les coins et recoins du marché, Mirador, en bas du pont de la gare nord, Liberté 220 logements. A ce dernier endroit, les soldats souvent en grand nombre, armes en bandoulière, ne tardent pas à se substituer à la police ou à la gendarmerie nationale, n’hésitant pas à s’adonner au racket.

La plupart de ces soldats est issue de l’ancienne base du Génie à Adjamé – mais également d’autres communes comme Attécoubé, Abobo, Yopougon – qui abrite aujourd’hui les éléments de Koné Zackaria ; un site qui est également son quartier général. Paradoxe des paradoxes, pendant que ses hommes paradent à vu et de manière ostentatoire, le commandant de la police militaire Koné Zackaria, feint de ne rien voir. Alors que les éléments de cette unité créée pour traquer les soldats qui refuseraient de rentrer dans les rangs sillonnent régulièrement les rues d’Abidjan.

Selon un soldat, la police militaire brandie par le pouvoir comme un épouvantail, est un aveu d’impuissance. «C’est [la police militaire, ndlr] un échec total parce que ça ne sert à rien de pourchasser des gens», mentionne notre source qui indique que des jeunes volontaires ont été officieusement intégrés à la police militaire. Au dire de notre interlocuteur, la «rigueur» commence à voler en éclat, les patrouilles ont baissé en intensité.

Conséquences : les véhicules immatriculés Frci non identifiés dans les fichiers de l’armée ont recommencé à circuler et les soldats sommés de rentrer en caserne refont surface. Selon cette source militaire, la traque des Frci est inopérante, car le vrai problème est plutôt ailleurs. «Ils ont pour la plupart abandonné leur travail pour venir combattre pour Ouattara. On leur a fait des promesses d’intégrer l’armée ou des programmes de réinsertion qui ne sont toujours pas respectées. Alors que ces soldats pour certains s’occupent financièrement de leurs familles. Même dans les camps où ils sont encasernés, ils vivent  dans des conditions précaires, sans solde. D’où cette propension à retourner dans les rues. En tous cas ils sont là pour des raisons pécuniaires», explique-t-il.

A Abobo, c’est un décor un peu institutionnalisé. A la gare (mairie), Samaké, Banco …, les Frci sont également présents kalachnikov au point. En effet, à chaque barrage des policiers où ils effectuent les contrôles de routine, les Frci sont présents. Selon un policier, «nous avons dit que nous ne pouvons pas venir travailler si nous n’avons pas d’armes ; cela n’est pas sécurisant pour nous-mêmes. Donc cette collaboration va durer certainement jusqu’à ce que nous ayons des dotations en armes». Ainsi, cette mesure d’affecter des soldats des Frci (cantonnés au camp commando) à chaque commissariat du district d’Abobo a été décidée après que ces derniers ont soulevé les préoccupations de moyens pour accomplir leur mission. Toute chose qui pose la question du rééquipement de la police nationale qui se pose aujourd’hui avec acuité.

Dans la plus grande commune d’Abidjan, Yopougon, même si les Frci se font un peu plus discrets, il n’en demeure pas moins qu’ils tentent de revenir à leurs anciennes habitudes. Ils ressortent à des endroits comme Siporex, Sable, Sicogi, notamment la nuit non pour sécuriser les honnêtes citoyens mais pour s’adonner au racket. D’ailleurs les Frci continuent d’occuper illégalement, dans l’indifférence totale du pouvoir et de sa police militaire, des domiciles et autres biens de certaines personnalités. Comme à Yopougon (Coopec Ananerai) où ils occupent un bâtiment qui appartiendrait à l’ancien premier magistrat de cette commune Gbamnan Djidan Félicien. En tout état de cause, ce retour progressif sans coup férir de certains de leurs camarades devrait lever le verrou de la dissuasion qui, jusque-là retenait les Frci dans leurs lieux d’encasernement malgré eux.

Benjamin Silué

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