La nouvelle est quasiment passée inaperçue. Jusque-là simple «observateur» , Haïti, la première République noire de l’Histoire, est devenu, début février à Addis-Abeba, «membre associé à part entière» de l’Union africaine (UA).
Haïti est le premier pays non-africain à devenir «membre associé» de l’Union africaine. Le 4 février dernier lors du sommet de l’UA dans la capitale éthiopienne Addis Abeba, la Perle des Antilles a troqué son statut de pays «observateur» pour celui de «membre associé». Une première qui sera officialisée au prochain sommet de l’UA se tenant en juin au Malawi, au plus grand plaisir de Francis Kpatindé, un journaliste béninois qui s’impatientait de voir l’Afrique porter main forte à la première République noire.
Si en 2012 Haïti a bien besoin d’un coup de pousse de ses cousins africains, M. Kpatindé nous rappelle que c’est jadis Haïti qui se portait à la défense du continent noir. Première république noire, indépendante dès 1804, Haïti a souvent été dans le passé le porte-voix des pays africains en quête d’indépendance.
Les chefs d’Etat réunis à Addis-Abeba ont chaleureusement salué, et on les comprend, le retour d’Haïti au sein de la grande famille africaine, rappelant les efforts diplomatiques consentis dès 1945 par ce pays pour l’avènement d’Etats africains libres, ses dénonciations de l’invasion de l’Ethiopie par l’Italie mussolinienne, ses prises de position progressistes contre la guerre d’Algérie, le soutien à l’indépendance de la Libye et l’assistance au Rassemblement démocratique africain, cette grande formation politique panafricaine qui accompagna nombre de pays du continent vers la souveraineté internationale.
Haïti s’intéresse à l’Afrique ? C’est dans l’ordre des choses. Tous ceux qui, comme moi, ont vécu dans ce beau pays n’en sont guère surpris. Ce tiers d’île [La République dominicaine occupe la partie orientale de l’île] en apnée depuis plus de deux siècles est, après tout, le plus «africain» des Etats d’Amérique du Sud et des Caraïbes. Haïti, comme nombre de pays africains, est, de façon récurrente, en proie à l’instabilité et à la violence, alors que sa population croupit dans une misère sans nom. Indépendant le 1er janvier 1804, peu après les Etats-Unis (1776), mais bien avant la Colombie (1810), l’Argentine (1816), le Brésil (1822) et le Canada (1867), Haïti est à la traîne de tout, sauf de la littérature, de la poésie, de la peinture, de la musique, autrement dit, de ce qui fait l’âme d’un peuple.
Les Africains seraient bien inspirés de s’intéresser davantage à ce morceau caribéen de leur Histoire, une terre sur laquelle se joue, peut-être, leur propre destin. Haïti est à la fois une formidable projection sur le futur et un laboratoire grandeur nature d’où peut émerger le meilleur comme le pire. En cela, Haïti, «où la négritude se mit debout pour la première fois» (la formule est d’Aimé Césaire [1913-2008]), est à la fois notre passé et notre avenir.