Hillary Clinton et les crimes de guerre au Moyen-Orient


En témoignant mardi devant une commission du Sénat, la secrétaire d’Etat américaine, Hillary Clinton, a déclaré que le président syrien Bachar al-Assad pourrait être qualifié de « criminel de guerre ».

« Si l’on se base sur les définitions d’un criminel de guerre et des crimes contre l’humanité, on pourrait défendre qu’il [Assad] entre dans cette catégorie », a dit Clinton devant la Commission.

Le durcissement rhétorique de Washington vise à rallier le soutien de l’opinion publique pour une nouvelle intervention impérialiste au Moyen-Orient, où l’objectif d’un changement de régime est une fois de plus déguisé en croisade pour les droits humains. La déclaration de Clinton toutefois soulève la question : comment exactement détermine-t-elle quand une violence exercée contre des civils constitue un crime de guerre ?

La définition fixée par la loi fondatrice de la Cour pénale internationale et tirée en grande partie de la charte ayant établi le tribunal de Nuremberg qui a traduit en justice les dirigeants survivants du régime nazi allemand après la Deuxième Guerre mondiale. D’après cette définition, un crime de guerre est un certain nombre d’actes – dont le meurtre, l’extermination, la torture, l’emprisonnement et la disparition forcée de personnes – sciemment « commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique dirigée contre toute population. »

Alors que Clinton accepterait volontiers cette définition contre le régime syrien, il semble y avoir une restriction tacite quant aux individus ou gouvernements qui pourraient « entrer dans cette catégorie ». En ce qui concerne la politique américaine et l’establishment des médias, c’est très bien d’utiliser la qualification de criminel de guerre pour décrire la violence lorsqu’elle est perpétrée par un régime que les Etats-Unis cherchent à renverser à l’encontre de « rebelles » ou d’« opposants » jouissant du soutien de Washington.

Toutefois, lorsqu’une violence bien plus grande est perpétrée par les Etats-Unis eux-mêmes contre un peuple s’opposant à l’occupation de leur pays par les troupes américaines, la même catégorie est exclue.

L’insistance de définir Assad comme un criminel de guerre s’est intensifiée face au siège de 27 jours du quartier de Baba Amr à Homs qui fut pris d’assaut par des milices armées ayant à leur actif l’enlèvement et le meurtre d’habitants non sunnites de la ville. Jeudi, ces « rebelles » soutenus par les Etats-Unis, ont annoncé qu’ils se retiraient de la zone au vu des forces gouvernementales syriennes supérieures.

Il ne fait pas de doute que des centaines de personnes sont mortes durant le siège qui a duré un mois, y compris des civils sans armes. Et pourtant, si l’on considère le barrage de dénonciations des médias, des résolutions des Nations unies et des communiqués d’indignation diffusés par Washington et d’autres capitales occidentales, il est bon de rappeler l’indifférence silencieuse avec laquelle ces mêmes sources médiatiques et ces mêmes gouvernements ont réagi au massacre d’au moins 20 fois plus de civils en un tiers de temps en un endroit distant à peine de 650 kilomètres de la ville assiégée de Homs.

Cela s’est passé en novembre 2004. Le site du massacre était Falloujah, en Irak. Lors de ce siège barbare, les marines américains ont transformé une ville entière en une zone de feu à volonté après avoir prévenu les habitants de la quitter. Les hommes et les garçons, furent cependant refoulés et obligés de subir une attaque au napalm, de bombes de fragmentation, de bombes au phosphore blanc et autres munitions qui ont incinéré leurs victimes et fait s’écrouler leurs maisons sur elles. Sur les 50.000 habitants de Falloujah qui soit refusèrent de fuir, soit furent incapables de le faire, plus de 6.000 ont perdu la vie. Au moins 60 pour cent des bâtiments de la ville furent démolis ou endommagés.

Sept ans plus tard, les habitants de Falloujah continuent de payer un terrible tribut pour le châtiment collectif qui leur a été infligé. Ils endurent une épidémie d’anomalies congénitales, de cancer chez les enfants et d’autres maladies causés par des obus à uranium appauvri et autres bombes largués sur la ville.

Comment se fait-il que les actions du régime Assad à Homs sont déclarées propres à pouvoir « entrer dans la catégorie » de crimes de guerre tandis que les actions beaucoup plus sanglantes perpétrées par l’armée américaine à Falloujah et d’innombrables autres atrocités commises sous les gouvernements Bush et Obama dans des guerres non provoquées contre les populations en Irak et en Afghanistan sont jugées être des mesures justifiées dans une « guerre contre le terrorisme », pour laquelle personne n’a jamais eu de compte à rendre.

Avant le bombardement de Falloujah qui a réduit la ville à l’état de ruine, l’armée américaine avait affirmé que l’attaque avait été nécessaire parce que la ville irakienne était devenue le quartier général d’Al Qaïda en Irak. En effet, les deux guerres tant en Afghanistan qu’en Irak furent présentées au peuple américain comme des guerres menées pour vaincre Al Qaïda et pour empêcher que l’organisation n’obtienne des « armes de destruction massive ».

La semaine dernière, Hillary Clinton a à plusieurs reprises employé une phrase identique lors de son audition devant le Sénat et lors d’interviews accordés aux médias en réponse aux questions concernant des propositions d’armer les « rebelles » syriens. Elle avait posé la question : « Soutenons-nous Al Qaïda en Syrie ? »

Tout en abordant la question d’une manière rhétorique pour suggérer que Washington émettait des réserves pour fournir des armes à ceux qui cherchent à renverser Assad, Clinton sait très bien que dans le monde réel des armes sont déjà envoyées et la réponse à sa question est, « oui, nous les soutenons ». Tout comme dans le cas de la guerre contre la Libye, l’impérialisme américain collabore étroitement en Syrie avec les mêmes éléments islamistes qu’il a pendant longtemps dépeints comme la plus grande menace pour le peuple américain.

Tout en servant d’épouvantail bien pratique pour terroriser le peuple américain dans le but de lui faire accepter les guerres d’agression impérialiste, la réalité est que les rapports entre Washington et Al Qaïda – fondée par des forces financées et armées par la CIA durant la guerre soutenue par les Etats-Unis contre le régime prosoviétique en Afghanistan dans les années 1980 – ont toujours été plutôt complexes.

Dès les années 1950, l’impérialisme américain avait, en guise de contrepoids au socialisme et au nationalisme radical, accordé son soutien secret aux organisations islamistes réactionnaires et obscurantistes au Moyen-Orient. A présent, il emploie ces forces une fois de plus pour tenter de redéfinir la carte géostratégique de la région en plaçant ses vastes ressources énergétiques sous la férule de Washington.

Derrière les larmes de crocodile versées par les criminels de guerre à Washington, les exigences pour un changement de régime en Syrie ont autant à faire avec la défense des droits humains que l’Afghanistan et l’Irak avaient à faire avec la protection du peuple américain contre le terrorisme.

Bill Van Auken

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