Activisme. Bertin Kisob: taupe ou manoeuvrier politique ?

Bertin Kisob

A l’initiative des revendications de nombreuses attaques, interpellé et incarcéré par les forces de sécurité, l’activisme de Bertin Kisob intrigue.

La correspondance parvenue dans de nombreuses rédactions de la ville de Douala ne fait pas d’illusions. Le leader de «The Cameroon party for social justice» et chef spirituel de l’Eglise Maatiste, Bertin Kisob invite à un point de presse, mardi 13 mars 2012 à un lieu gardé secret. Selon la même invitation, il s’agit pour ce candidat recalé de l’élection du 9 octobre 2011 d’aborder des thèmes liés à «La situation socio-politique du Cameroun dans le monde; La vision et l’idéologie maatiste de la Cpsj (Cameroon party for social justice, Ndlr) ainsi que la convocation du Révérend Bertin Kisob et autres au tribunal militaire de Bamenda le 14 mars 2012.» Puis précision de l’hôte, le point de presse aura lieu à Douala.

Toutefois, «Pour des raisons sécuritaires, contactez nous pour des précisions et pour confirmer votre participation.» Une mention finale vient sanctionner la chute de cette correspondance. Son auteur souligne : «Venez uniquement si vous recherchez l’information !» Démarche faite, Bertin Kisob fera savoir au téléphone, deux heures après l’heure prévue pour le rappel des journalistes que, le point de presse n’aura plus lieu. « Il y a des agents des renseignements généraux qui ont encerclé la maison de mon frère où le point de presse devait se tenir.» Toutefois, l’activiste et leader politique promet de tenir le reporter informé du dénouement de son passage au tribunal militaire de Bamenda où, selon ses dires, il y est attendu le lendemain. Après, plus rien!

Une attitude propre à cet activiste qui pourrait revendiquer des faits d’armes. Après une incarcération «dans les cellules de la Direction de la sécurité présidentielle (Dsp, Ndlr) » comme il l’affirme, c’est un Bertin Kisob dont l’embonpoint tranche avec les conditions de détentions que les habitués de ce lieu qualifient de rudes qui fait son apparition dans les salles de rédactions de la ville de Douala. Un pèlerinage au cours duquel, «l’ex-détenu» de Yaoundé promet des révélations fracassantes sur la situation sécuritaire du Cameroun. Un point d’orgue sur les différentes attaques que le pays a connues depuis quelques années.

Le rôle des services de sécurité et les liens supposés ou réels avec les assaillants. Des promesses qui se font attendre. En fait, la source «volontaire» laisse entendre que son mutisme au sortir de sa geôle serait dû à «une amnésie volontaire». Bien loin du Bertin Kisob affable dont se souviennent certains hommes des médias. En effet, l’interpellation de cet activiste intervient à la suite d’une course poursuite, officiellement menée par les services de sécurité camerounaise. Un fait consécutif aux revendications et autres annonces faites en amont par Bertin Kisob.

«Maatisme, armée et revendications»

C’est au petit matin du 29 septembre 2011 que naît le mystère Kisob. Pendant des heures, des hommes en armes tiennent en respect le pont sur le Wouri et les usagers qui s’y trouvent. Quelques heures plus tard, un communiqué destiné à la presse affirme que les opérations menées aux premières heures de la matinée de ce 29 septembre 2011 sont l’oeuvre de l’Armée de libération du peuple camerounais (Alpc), un groupe qui se présente comme le pendant armé du Cameroon party for social justice et de l’idéologie maatiste cher au révérend Bertin Kisob.

L’homme donnera par ailleurs des détails sur le dénouement de cette opération spectaculaire qui aura mobilisé tous les corps de première, deuxième et troisième catégories ainsi que les forces spéciales que compte la ville de Douala. Début d’une opération de sécurisation qui s’étendra au déploiement des hommes en arme sur tous les ponts de la République ainsi que des agents de renseignement sur toute l’étendue des régions du Littoral, du Sud-Ouest et du Nord-Ouest. Un phénomène qui n’empêchera pas à l’activiste d’annoncer des attaques ciblées au cours du scrutin du 9 octobre 2011. C’est dans cette logique que des gendarmes sont abattus dans la péninsule de Bakassi. Bertin Kisob dont les adresses sont connues de tous s’offre le luxe d’exprimer sa «compassion aux familles des soldats.»

Dans sa correspondance du 10 octobre 2011, l’Armée de libération du peuple camerounais fait savoir que «Nous adressons nos sincères condoléances à la famille des défunts (gendarmes) car, la mort des membres du petit peuple n’est pas notre objectif.»

À la vue et au su de tous, Bertin Kisob prône ses ambitions. Sans ambages, Bertin Kisob place ses actions dans le cadre de sa foi religieuse. Autant l’activiste affirme que «notre objectif est de prendre le pouvoir au Cameroun pour rétablir la justice sociale en trois ans de transition suivi des élections générales libres et transparentes où je ne serais pas candidat ni un membre de mon équipe de transition.» C’est cet homme qui pense son action sociale et politique sur le prisme du Maatisme religieux.

«Pourchassé» et interpellé par les forces de sécurité, il semble désormais jouir de l’immunité et la bénédiction des autorités administratives et sécuritaires sans que le pan de voile dominant sur sa personnalité soit levé. En clair, Bertin Kisob qui promeut l’option «guerrière» pour la restitution de la souveraineté de l’Etat comme il l’affirme lui-même, aurait-il été élargi au terme de la procédure engagée par les autorités camerounaises au lendemain de ses revendications et de l’interpellation dont il a fait l’objet? Reste dans cette optique à définir les responsabilités réelles dans ces faits que de nombreux observateurs considèrent, à tort ou à raison, comme des actes de terrorisme portant atteinte à l’intégrité de l’Etat.

Focal. Manipulations politiques ou défaillances sécuritaires

L’image de Bertin Kisob donnant une conférence de presse à Bamenda avec à ses côtés quelques autorités administratives de cette ville à défaut d’être insolite suscite de nombreuses questions. D’autant plus intriguant quand cette rencontre est l’occasion pour l’activiste de trahir ses liens avec quelques autorités haut placées qui, selon cette source, lui aurait proposé des sommes importantes pour déstabiliser le régime Biya. Une occasion pour ce candidat recalé à l’élection du 9 octobre 2011 de préciser, aussi, qu’il était logé le long de son séjour dans une résidence sur les collines du Fébé (une affirmation contraire à celle selon laquelle il a été gardé à la Direction de la sécurité présidentielle). Un lieu, par tradition réservé aux invités de marque.

Qu’est-ce qu’il faut comprendre de cette mansuétude à l’endroit d’un homme considéré et présenté à l’opinion comme un terroriste dangereux. Lorsque, au regard de la considération dont jouit l’ex-prisonnier de luxe, l’on se souvient du déploiement sécuritaire lors de « l’attaque sur le pont sur le Wouri », la mort des gendarmes à Bakassi et l’attaque d’un bureau de vote revendiqué et raconté avec de nombreux détails par Bertin Kisob, il y a lieu d’en référer aux spécialistes d’horizon divers pour avoir le cœur net sur la notion « d’amnésie volontaire ». Une évocation qui interroge la véracité des faits évoqué par le leader maatiste. En considérant que le leader politique soit exempté de tout soupçon, que dire du grabuge vécu sur le pont sur le Wouri et les pertes matérielles et humaines enregistrées au cours de cette période.

Joseph OLINGA

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