Cameroun : combien coûte l’eau ?

Enquête. Un règlement de service de distribution de l’eau existe au Cameroun et devrait rendre la vie des Camerounais plus facile, pourtant les consommateurs d’eau doivent toujours faire la queue pour obtenir le précieux liquide avant de le faire décanter pour enfin pouvoir le consommer en espérant (peut-être) ne pas en tomber malade.

Bien malin celui qui saura donner le coût réel de l’eau au Cameroun. Les bornes fontaines publiques se sont raréfiées dans les centres urbains et même en milieu rural. L’eau qui y coule est vendue aux usagers parfois à plus de 1 000 F le mètre cube, soit près de trois fois son prix réel ! Ces consommateurs ayant attendu plusieurs heures n’ont d’autre choix que d’accepter.

Tous les Camerounais, victimes de l’eau

Les Camerounais qui ont la chance d’un accès privé à une eau supposée potable, n’en sont pas pour autant à l’abri de désagréments. L’eau qui coule des robinets change systématiquement de couleur ou cesse de couler sans avertissement de la compagnie de distribution. Les usagers de certains quartiers en sont ainsi privés pendant de nombreux jours. « Avec cette eau c’est la tombola, il faut toujours penser à constituer des réserves pour éviter des mauvais désagréments même quand on a un branchement à son domicile », conseille Pulchérie Menka, une ménagère.

En plus, l’eau du robinet ou l’eau achetée aux fontaines publiques demeure impropre à la consommation. Pour tous, il faut encore payer pour filtrer l’eau. « L’eau qui coule des robinets de l’ancienne Snec est parfois si rouge qu’on est obligé de la passer par un filtre avant consommation. Il faut donc en plus se doter d’un filtre moderne qui ne court pas les rues », explique Armand, un usager.

Cette situation expose les Camerounais à de nombreuses maladies hydriques. Le choléra, la typhoïde, des diarrhées multiformes comptent parmi les maladies les plus recensées dans les formations sanitaires locales. Pourtant éradiqué dans plusieurs pays africains, le choléra est une réalité au Cameroun. Ces derniers mois, il a été enregistré près de 3 000 cas et une centaine de décès notamment là où l’eau potable fait défaut.

Et pourtant le consommateur a des droits intangibles

« Je bénéficie d’un branchement d’eau de la Snec depuis douze ans mais ne sait pas si nous, les consommateurs, avons aussi des droits vis-à-vis de l’ancienne Snec. On peut nous couper l’eau pendant des jours sans sommation sans que nous puissions nous plaindre ; Mais si nous sommes en retard de règlement de notre facture d’un jour, on nous frappe une amende de 5 000 F », renchérit Mama Tchossa. Cette réalité est partagée par la plupart des consommateurs ou abonnés de la Camerounaise Des Eaux (CDE) à qui l’Etat a confié la distribution de l’eau potable.

Un “règlement du service affermé de distribution de l’eau potable dans les centres urbains et périurbains du Cameroun” est pourtant en vigueur depuis décembre 2010. Ce document définit les conditions et les modalités de fourniture d’eau potable aux demandeurs conformément aux contrats d’affermage et de performance signés entre l’Etat du Cameroun, la Cameroun water utilities (Camwater) et la CDE. Il consacre ces droits et devoirs des usagers.

La Camwater, la CDE et l’Etat n’ont, jusqu’à présent, pris aucune initiative pour divulguer le contenu de ce document qui pourrait causer d’énormes préjudices à ces deux entreprises peu enclines à respecter leurs engagements vis-à-vis de leurs clients et usagers. Ils sauraient alors que tout Camerounais peut solliciter et obtenir un abonnement et un branchement de l’eau du service public dans des délais très courts. Le fermier, en l’occurrence la CDE doit veiller à lui offrir une eau de qualité et lui verser des indemnités en cas de non respect des clauses contractuelles indiquées dans ce règlement de service.

Une situation de travaux en cours

A peine 30% de la population camerounaise a aujourd’hui accès à l’eau potable. Des efforts ont néanmoins été consentis en 2009 pour résorber le déficit : la production d’eau a augmenté de 15,6% à 124,3 millions de mètres cube. Cela a été rendu possible grâce à l’extension et à la densification des réseaux urbains et périurbains, à la réhabilitation de certains ouvrages et équipements de production de l’eau potable et surtout la mise en service de l’usine de traitement de Ayato. De nouvelles unités de production ont par ailleurs été créées à Batcham, Soa, Pouma, Ngambe et Dizangue. La Camwater projette ainsi, d’ici 2016 de doubler le nombre d’abonnés. Un engagement certes louable, mais qui sera toujours loin de faire baisser la facture d’eau potable. En attendant, à chacun selon sa bourse.

Oumarou Doukhali

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