Abanda Kpama. « Le code électoral de Biya, une déclaration de guerre au peuple kamerunais»

La position du Mouvement africain pour la nouvelle indépendance et la démocratie (Manidem) exprimée par son président.

« Le code électoral de m. Biya est une déclaration de guerre au peuple kamerunais»

Beaucoup de nos compatriotes se demandent pourquoi les partis politiques de l’Opposition et les associations de la Société civile font autant de bruit sur un simple code électoral. Dans l’imaginaire de ces compatriotes, le code électoral est une simple compilation de lois électorales. C’est d’ailleurs ce que les thuriféraires du régime essaient de faire admettre à des compatriotes dubitatifs. La réalité est toute autre.

En concédant coup sur coup la refonte des listes électorales et l’inscription biométrique des électeurs, M. Biya a donné l’impression de vouloir améliorer le système électoral kamerunais. Ceux qui connaissent le fonctionnement de M. Biya savent qu’il ne  fait jamais une concession de son propre gré et surtout sans contrepartie. M. Biya est un conservateur, partisan du statuquo. Quand il daigne concéder une réforme, c’est pour en retarder l’application ou pour en limiter la portée par toutes sortes de subterfuges. Les Kamerunais l’ont expérimenté en 1990 avec les lois sur la liberté d’association et la liberté d’expression, cette dernière dut attendre 10 ans pour que M. Biya se décide enfin à en signer le décret d’application.

Les résolutions de la tripartite connurent un sort encore plus triste : Biya les ignora tout simplement. La Constitution de 1996 n’est toujours pas entièrement appliquée : la déclaration des biens et la mise en place de la Cour Constitutionnelle comme celle de la Cour des Comptes attendent que M. Biya veuille bien les rendre effectives, 16 ans après ! Avec le processus électoral, on assiste au même scénario. La chaotique élection d’octobre 2011 à la sortie de laquelle M. Biya s’est proclamé Président de la République n’a connu la participation que de 32% de Kamerunais ! Devant les assauts de l’Opposition, de la société civile et des injonctions de ses maîtres occidentaux, M. Biya s’est engagé à améliorer le processus électoral.

La refonte et la biométrie ayant été concédées, M. Biya, mal conseillé par les ultraconservateurs de son camp que son MM Belinga Eboutou, René Sadi et Luc Sindjoun, a décidé de nous servir le projet de Code Electoral rédigé par M. Marafat en 2006 ! Marafat doit boire du petit lait, lui dont le projet fut rejeté par M. Biya en 2006 au prétexte qu’il était trop conservateur et pourrait, à l’occasion des législatives et municipales de 2007, déclencher des émeutes. C’est donc ce « réchauffé » que M. Biya sert aujourd’hui aux Kamerunais.

Sur la méthode

En raison de l’histoire des élections dans notre pays depuis 1992 faite de trucages, de fraudes et de déni du droit, le Manidem a proposé, dès le mois de février 2011, qu’un débat ait lieu sur le Code Electoral et plus largement sur le processus électoral. Nous nous étions limités au processus électoral parce que M. Biya et ses amis ultraconservateurs sont allergiques à toute idée d’assises nationales comme l’ont si bien fait les Sénégalais en 2008.

L’objectif poursuivi par un tel débat est le large consensus autour de la question électorale. Seul un débat ouvert à toutes les couches et classes sociales kamerunaises permettra d’aboutir à un code électoral consensuel. Il faut un large consensus pour que les Kamerunais se re-approprient la chose politique. En choisissant de consulter à la va-vite quelques leaders de partis politiques (6) et associations de la Société civile, le régime de M. Biya a usé de la tromperie. Même à cette petite échelle, les recommandations des leaders consultés n’ont pas été prises en compte dans le projet actuellement en débat à l’Assemblée Nationale. M. Biya et son équipe usent de la stratégie du fait accompli.

Sur le fond du débat

Les propositions pertinentes de l’Opposition politique et de la Société civile sont claires mais surtout légitimes :

–    Une élection présidentielle à deux tours.
–    Un redécoupage électoral qui tienne compte des statistiques démographiques, même officielles.
–    Un bulletin unique pour toute élection.
–    L’âge légal de vote à 18 ans comme c’est le cas dans la plupart des pays du monde.
–    Une représentativité égalitaire des hommes et des femmes dans toutes les assemblées et dans tous les exécutifs communaux et régionaux.
–    Aucun cautionnement pour les candidats à l’élection municipale.
–    Un cautionnement modique pour les candidats aux élections législatives.
–     La prise en charge complète des scrutateurs des partis politiques par Elecam.
–    Revenir à la loi de 2006 instituant Elecam pour en faire l’organe en charge de tout le processus électoral en toute indépendance et autonomie.

Ces propositions ont reçu l’aval des partenaires en développement du Kamerun, amis de M. Biya. Elles sont de nature à permettre des scrutins justes, transparents et donc crédibles. Elles permettent aux représentants des couches et classes sociales pauvres d’être présents dans les lieux où se décide l’avenir de la Nation. Car telle est la vocation des élections. Dans un régime véritablement démocratique, toutes les couches et classes sociales qui composent le tissu social doivent être représentées proportionnellement à leur importance démographique, dans toutes les assemblées et tous les exécutifs communaux et régionaux afin de défendre les intérêts de leurs mandants.

Or, le code électoral proposé par M. Biya introduit la représentation censitaire. Seuls les puissants et les riches ou leurs affidés seront désormais présents dans les assemblées nationales et dans les exécutifs communaux et régionaux. La très grande majorité de notre Peuple en sera exclue. Le projet de M. Biya est de ce fait anticonstitutionnel et dangereux pour l’unité et la paix. S’il reste un peu de patriotisme aux députés Rdpc, ils n’ont qu’un choix à faire : rejeter le projet de M. Biya. La sanction de l’Histoire se penchera sur chacun des actuels députés de l’Assemblée Nationale. Le Peuple kamerunais lui, n’oubliera pas et saura, le moment venu, reconquérir sa souveraineté et sa dignité.

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