Haro… Le Cameroun va mal

Ceux qui rendent une révolution pacifique impossible rendront une révolution violente inévitable

L’art de la diversion a atteint des cimes au Cameroun. Pendant qu’on occupe le terrain médiatique avec un pseudo-débat (Cas Marafa), le peuple continue de sombrer dans l’ornière de la pauvreté et du sous-développement.  Mais aussi sordide que cela puisse paraître, les thuriféraires du régime en place laisse entendre orbi et urbi que le Cameroun est un exemple de bonne gouvernance dans le monde. Mieux encore,  en écoutant toute sorte de sornettes et balivernes qu’ils débitent jour après jour, semaine après semaine,…année après année, on finirait par croire que tout va merveilleusement bien au Cameroun. Contre vents et marrées, ils essayent d’occulter au quotidien la mauvaise gouvernance, les violations criardes des droits humains et la conduite patrimonialisée, opaque et clandestine de la chose publique. Non ! Le Cameroun va mal. Pire, il ressemble plus que jamais à un volcan endormi qui menace dangereusement de dégueuler un venin destructeur et mortifère. Oui ! Osons le dire : le Cameroun va très mal.

Reconnaitre ce fait est une exigence que la simple expérience quotidienne, bien plus que la raison, impose avec autorité. Nous sommes dans une sorte d’état d’urgence ; une situation clinique, au chevet d’un malade. Et si en dépit des signes avant-coureurs, rien n’est fait ; si on continue à nier cette évidence, nul doute que le Cameroun ira vers une guerre civile dont on ne peut, comme toute guerre d’ailleurs, prévoir l’ampleur et encore moins les conséquences. Le fait d’affirmer ce qui précède ne saurait faire de nous des oiseaux de mauvais augure. Sauf pour ceux qui sont les vrais ennemis de ce pays. Suivez mon regard.

Les signaux sont au rouge tant au niveau social que politique. La corruption est partout présente et prégnante ; les produits de première nécessité prennent une courbe inversement proportionnelle au pouvoir d’achat des Camerounais ; le coût de l’électricité vient de subir une hausse conséquente ; plusieurs milliers d’étudiants viennent chaque jour grossir les chiffres du chômage. Et quand ils ne succombent pas aux sirènes de la facilité ou aux promotions magico-anales, ils tentent de s’exiler, quelques fois au prix de leur vie. Par ailleurs, de nombreux malades (VIH SIDA, diabète, paludisme, cancer, etc.) lessivés par le labeur, les ténèbres abruptes de l’anonymat et de l’indifférence généralisée, s’éteignent chaque jour au crépuscule d’une longue agonie faute de moyens pour s’offrir les médicaments. À ce niveau, nous conviendrons assez aisément que la liste n’est pas exhaustive.

Au niveau politique, tout le monde est sur le qui-vive. L’adoption quelque peu cavalière du tout nouveau Code électoral a laissé des traces durables. La guerre de positionnement et la course à la mangeoire font toujours autant rage. Qui plus est, chaque lettre d’un ex – cacique du régime tombé en disgrâce, créée une agitation frénétique et insupportable pour les gérontocrates au pouvoir. La récente sortie épistolaire du ministre de l’Enseignement supérieur est à cet égard paradigmatique. Nous aurions cependant aimé le voir très souvent intervenir aussi énergiquement lorsque les Camerounais se font arbitrairement expulser de Guinée Équatoriale ; lorsque les Camerounais se font arnaquer dans les ministères par des fonctionnaires dont la déontologie professionnelle est depuis très longtemps prise en otage par des considérations tribalistes et alimentaires ; lorsque les brebis galeuses qu’on retrouve par milliers dans les forces armées et police délaissent leurs missions régaliennes pour s’adonner à l’intimidation des citoyens et au trafic d’influence.

À y regarder de près, l’Opération Épervier qui était sensée assainir la gestion de la chose publique, sert plutôt de catharsis. Eh oui ! Les scandales font généralement recette et fonctionnent comme des boucs émissaires. Chacun est rendu pur par la désignation de l’impur. La délinquance, c’est l’autre (abjectes : se dit de personnes plus corrompues que nous !) ; ce qui sous-entend : une claire séparation des pratiques normales et anormales et une unicité ainsi qu’une légitimité absolues des acteurs présidant à cette séparation (ici, la raison du plus fort est souvent la meilleure et l’appel à la morale touche certaines pratiques et non d’autres).

En définitive, force est de reconnaitre que le pouvoir s’est paradoxalement rendu maître de lui-même, tandis que ses différentes promesses se sont transformées en désillusions et sa prétention démocratique en gouvernance ultra sécuritaire. Mais, on n’a pas besoin d’être apprenti sorcier pour savoir que la justice sociale ne se contente d’aucunes limitations. « Il vient [en effet]  un temps où l’on ne peut endurer davantage et où les hommes ne supportent plus de se trouver plongés dans les abîmes d’injustice où ils expérimentent la noirceur d’un désespoir corrosif » (Martin Luther King, Lettre de la geôle de Birmingham). Il y a de bonnes raisons de s’inquiéter que d’ici peu cette situation ne dégénère en fracture sociale, en revendications de toutes sortes, en instabilités politiques voire en guerre civile.

Que ceux qui ont des oreilles entendent…Que ceux qui doivent agir, agissent.

©Christian DJOKO
Doctorant, expert en droits de l’homme
[email protected]

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