Lettre ouverte : Exhortation aux élites Bétis qui disent parler au nom du “Centre”

Réaction engagée d’un homme politique blessé suite à la déclaration du Centre conduite par René Sadi.

O vous, Mes frères, ”Ces Elites” Beti be Nanga, vous qui dites parler au nom du ”Centre…”.
Il m’est parvenu un écho: Celui d’une déclaration de certains d’entre vous, prétendant parler au nom du ”Centre”, pour parler de la province du Centre, déclaration résumée par un journaliste de la presse d’Etat par le titre: ”Le Centre a parlé”!!! Pas moins que cela!… s’agissant de votre appel à celui que certains d’entre vous considèrent comme ”candidat naturel perpétuel” a un nouveau mandat a la Présidence de la République.
Nos Pères nous ont enseigné que ”Quand on couvre, ça pourrit, quand on étale, ca sèche !” Etalons donc. Ne me voyez pas ici dans une attitude de ” zang”; dans nos coutumes, elle est une manière de la gente féminine, ni dans celle d’une polémique. Voyez moi dans la posture du ”nkal”, moment solennel dans nos traditions ou, en ”nyom pam”, pour dire ”homme” en langue Eton-Beti, torse nu, la main gauche tenant la lance pointe plantée au sol, signe d’une indignation qui justifierait un acte extrême, la main droite brandissant le chasse- mouche, signe de la sagesse héritée de nos ancêtres. Et je vous dis: ”Ya’a????”, pour demander tout a la fois: ”Quoi? Comment en sommes- nous rendus la?”

Nul ne vous conteste ni le droit, ni la liberté de porter votre choix sur un candidat a la prochaine élection présidentielle. Mais que, quelques d’individus à compter sur les doigts de la main que vous étiez, vous vous prévaliez de parler au lieu et place d’un groupe aussi varié et complexe que le sont les populations du ”Centre” s’apparente, politiquement parlant, a une démarche frauduleuse, et intellectuellement analysée, à une escroquerie, le ”Centre” n’étant ni une formation politique, ni une entité légalement constituée en personne morale de laquelle vous auriez reçu un mandat explicite. Et si aucune voix de ressortissants du Centre ne le relève, les autres composantes culturelles et politiques de notre pays ne pourraient penser que vous avez exprimé une vérité totale et fondamentale qui lierait les populations de cette région. C’est donc pour éviter que cette perception erronée ne s’incruste dans l’opinion et les esprits qu’en tant que Béti, Chef traditionnel dans ce groupe, descendant d’une lignée “notabilitaire” qui se perd dans la nuit des temps, que je vous conteste aujourd’hui votre prétention de vous ériger en porte-parole de nos populations.

Car, en le faisant dans les termes que vous le faites, vous dilapidez l’héritage de fierté et d’indépendance d’esprit qui nous a longtemps valu le respect des autres. Et pire, vous tentez de vous approprier le droit de nos populations d’exprimer, le moment venu, à travers leur vote, leur volonté indépendante et souveraine. En le faisant, vous foulez aux pieds le respect dû à cette majorité silencieuse qui peine à survivre jour après jour dans nos villages et quartiers populaires, où toute trace de prospérité a depuis longtemps disparu, pour être remplacée par un chômage endémique des jeunes, la maladie que le manque de ressources financières ne permet pas de soigner, les décès dont chaque semaine apporte le lot, toutes choses qui peuvent justifier des voix dissidentes de celle que vous proclamez.
Les Etats modernes reconnaissant en effet un droit individuel et non cessible de l’expression de leur choix par les citoyens. Ceux qui comme vous s’illustrent par des proclamations visant à se substituer au peuple parce qu’ils espèrent recevoir ou ont reçu quelques avantages de position, mérite la plus vigoureuse des dénonciations, parce ce que ramant a contre-courant de l’Histoire. Pour l’établir, il convient de se poser certaines questions.

Qui êtes- vous vraiment?
Un souvenir surgit dans ma mémoire. C’était en Septembre 1982, quelques semaines avant que le Président Ahidjo ne quitte le pouvoir, a la salle de conférence de la Chambre de Commerce à Yaoundé. Athanase Eteme Oloa, Ministre de la Santé de l’époque et mentor de la Lékie avait convié à un rassemblement les ”élites” – le terme faisait ses premiers pas- dudit département. Une ”bayam sellam”, Regina B. prit la parole pour demander au Ministre : ” On dit que vous avez appelez ici les élites, qui sont les ”élites”?” Et de se répondre a elle-même : ”J’espère que ce ne sont pas ces ”costumards” qui vous entourent, parce qu’ils ne représentent pas les populations et ne sont là que pour leur propre ventre”… Applaudissements effrénés de toute la salle…

La même scène ne se rejouerait-elle pas aujourd’hui ? Ne seriez-vous pas de ces ”costumards” qui sont prêts a tout, ”rien que pour leur ventre”, dont parlait Regina B. ?… On pourrait répondre sans risque d’être contredit par les faits : Que Si!
Sans que cela ne revête un caractère injurieux, votre démarche fait en effet penser a celle d’un ”syndicat de carriéristes” qui croient devoir payer, en monnaie de déclarations burlesques et tonitruantes marquées au coin par la servilité , les postes auxquels ils ont été portés, souvent au terme d’intrigues, de marchandages et de pratiques aux relents suspects, comme si dans une République moderne, l’ accession à des postes élevés dans une carrière n’ était pas dans l’ ordre normal des choses pour des individus qualifiés, ou comme si les postes auxquels ils accédaient dans l’ administration étaient la propriété d’ un individu, fut-il Président de la République.
De ce constat troublant surgit une autre question: Comment en sommes nous là, à se faire remarquer par des manifestations de zèle les plus incongrues, nous dont la fierté est gravée dans notre nom ”Béti’ dont les racines sont ”nti ” signifiant ” seigneur” et de ” ati” qui veut dire ”fierté”? Pourquoi faut – il que certains des nôtres que vous êtes, ne disposant au demeurant d’aucun mandat explicite, estiment pouvoir abaisser ainsi la réputation, l’honneur et l’indépendance d’esprit qui est une part des traditions que nous ont léguées nos ancêtres? Parlons en…

Mandat explicite…
”Le Centre a parlé”! Cet apothème lancé à l’issue de votre rencontre à laquelle ont participe le Délégué du Gouvernement de Yaoundé, le Secrétaire Général du Rdpc, et le Chef du groupe parlementaire de ce parti, amène à interroger la qualité du mandat dont ils pourraient se prévaloir.
Prenons simplement le cas de la position de Délégué du Gouvernement. La Constitution du Cameroun stipule en son article 55: ”Les collectivités territoriales décentralisées … s’administrent librement par des Conseils élus…”. Il s’en déduit que le poste de Délégué du Gouvernement, administrant les communes et nommé par décret, est tout simplement un poste inconstitutionnel qui ne tient son existence qu’à la volonté centralisatrice marquée du sceau du totalitarisme du régime en place, lui qui entend garder le contrôle sur les collectivités locales les plus importantes, des fois que le suffrage populaire, s’ il les faisaient tomber dans les mains de ”l’opposition”, pourrait permettre a celle-ci d’avoir accès a des ressources publiques substantielles, toute éventualité qui est a écarter, fut- ce au prix de la violation de la Loi fondamentale.
En plus de cette inconstitutionnalité principielle, celui qui occupe ce poste ne peut prétendre parler au nom des populations du ”Centre” car ne bénéficiant, comme signalé plus haut, d’aucun mandat, le Décret ne pouvant se substituer a la légitimité que conférerait le vote populaire. Cet exemple illustre parfaitement, non seulement les libertés que certains s’accordent avec la Loi fondamentale, mais aussi les profits abusifs que d’autres tirent de ce qui est une forfaiture permanente.

Une analyse de même type peut être appliquée au secrétaire général du Rdpc ou au président du Groupe Parlementaire de ce parti, positions auxquelles ils ont été portés par des actes pris par le Chef de leur Parti et qui ne sauraient leur conférer quelque légitimité à parler au nom du ”Centre”.
En somme, cet épisode illustre l’esprit de viol permanent du respect de l’expression des Droits citoyens et de la libre détermination individuelle des populations dans le quel est établi le Rdpc. Et cela se comprend, s’agissant d’un Parti qui s’est engagé dans le processus démocratique à reculons, en organisant des marches ”contre”, d’un parti qui se refuse à l’appropriation de la ”démocratie en tant que culture” nourrie par une éthique politique saine pour lui préférer une pratique de la ”démocratie en tant que procédure”, où la seule tenue du vote suffit pour parler de démocratie, qu’ importe si les Sous- Préfets ”traités” par les ”élites” procèdent a des inscriptions sélectives des seules personnes figurant sur les listes à eux fournies par les présidents des sous- sections du Rdpc.

Qu’importe si les même Sous- Préfets complètent leurs registres électoraux avec des noms fictifs pour faire chiffre, que les cartes établies pour ces noms fictifs sont soit remises aux ”élites” pour l’organisation des charters électoraux, soit traînent en vrac sur les tables des bureaux de vote le jour de l’élection, tandis que près des deux tiers des citoyens en âge de voter se retrouvent dans l’impossibilité de le faire parce que n’ayant pas de carte d’ électeurs. Qu’importe enfin si, au terme d’ une élection présidentielle par exemple, pour une population de près de 20 million d’habitants qui devrait comporter environ 10 millions d’ électeurs, le nombre de suffrages exprimés atteint péniblement 3 millions d’ électeurs, soit 30% du potentiel électoral du pays, et que le ”perpétuel élu” atteint péniblement les 2 million de suffrages, soit 20% seulement des citoyens en âge de voter et 10% de la population, d’ où le perpétuel problème de la légitimité du régime en place qui se pose dans notre pays depuis 1992.

Le plus grand des obstacles a la Démocratie au Cameroun
Voyez- vous par ces chiffres la face monstrueuse du système donc vous êtes les maîtres d’œuvre et qui a engendré cette fraude systémique et institutionnalisée? Aujourd’hui, enivrés par une illusion de toute puissance, vous croyez pouvoir aller plus loin en vous substituant aux populations pour parler en leur lieu et place, entendant les confirmer à l’état de bétail électoral que vous offrez à la vente, espérant en contre partie acquérir ou renforcer vos positions individuelles.
En réalité, vous êtes un des obstacles majeurs à une pratique électorale saine et transparente qui constitue l’un des piliers de l’établissement de la démocratie. Il n’est de ce fait pas abusif de dire que ”vous êtes un des obstacles majeurs, peut être même le plus grand des obstacles à la démocratie au Cameroun”, avec ce que cela peut représenter comme coût politique et retards pour notre pays.
Une telle perversion peut-elle être tolérée et consacrée par le silence? La réponse est Non, nous ne le pouvons, nous ne le devons. Le silence est à ce point ici interdit.
(A suivre)

 

Par Célestin Bedzigui *
* Chef Traditionnel Beti
Chevalier de l’Ordre de l’Ordre de la Valeur
Chairman, Cameroon Democratic Project

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