Lapiro de Mbanga qui invite Paul Biya à démissionner explique sa posture

Lapiro de Mbanga

Lapiro de Mbanga : « Démissionnez

Fête de la musique ; conditions de la musique et des artistes camerounais ; son nouvel album « Démissionnez » ainsi que la situation des droits d’auteurs au Cameroun constituent la trame de cet entretien avec l’artiste-musicien, mais aussi président de la commission de lutte contre la piraterie à la Cameroon music corporation (Cmc).

Le Cameroun célèbre de concert avec la communauté internationale la fête de la musique. Quel état des lieux faites-vous de ce secteur d’activité ainsi que de la qualité des productions camerounaises ?

Avant toute chose, je salue ici l’initiative du ministre Jack Lang. C’est lui qui a eu l’heureuse inspiration de donner aux artistes musiciens une journée consacrée à leur génie créateur. Ceci dit, la musique camerounaise est à l’image du Cameroun. Nous sommes l’un des rares pays au monde où on tend à tout clochardiser. La condition de ce secteur est à l’image du football et du métier qui est le vôtre : le journalisme. Les gens sont résolus à clochardiser de nombreux secteurs d’activités parce qu’ils ont besoin de manipuler et d’en tirer des prébendes. C’est le fruit d’une volonté politique très déterminée.

Vous venez de faire un come-back avec votre maxi-single «Démissionnez». Quel est l’objectif de cette production ?

C’est le même objectif que les albums «Mimba Wi» (Pense à nous, Ndlr), «No make erreur» (Ne fait pas d’erreurs, Ndlr) ou encore «Na wou go pay» (qui va payer, Ndlr) et bien d’autres. Je suis un artiste. Je suis un chanteur. Je fais mon boulot. Je fais ce boulot bien avant l’avènement de la démocratie au Cameroun. J’interpelle les décideurs à ma manière. Je leur dis la misère et les aspirations du petit peuple. C’est ce que je fais depuis trois décennies.

Et, pour l’avoir fais, je me rends compte, comme le dis mon fils Valsero, qu’il faut demander au régime de monsieur Biya de partir. L’échec est palpable. Lorsqu’on arrive à voir autant de haut commis de l’Etat en prison c’est qu’il y a un problème. J’avais fais la même requête il y a quinze ans. C’est peut-être parce que le titre « démissionnez » est en français que les gens semble y prêter un peu plus d’attention. J’avais déjà fais «Lefam so» (Laisse comme ça, Ndlr) que les gens ont appelé «tout le monde à Kodengui», il s’agissait de dire la même chose que je dis dans «Démissionnez». La vérité est que la gabegie que nous dénoncions déjà se poursuit. Biya voulait des preuves pour envoyer ses ministres devant les juridictions. Il a ces preuves aujourd’hui et, il faut qu’il démissionne. Il faut remarquer que ce n’est pas en changeant les fusibles qu’on arrange un vilebrequin qui est touché.

Après « constitution constipée » qui vous a value la prison, vous revenez avec « Démissionnez ». Lapiro de Mbanga s’inscrit donc résolument dans la provocation ?

Quel est l’idiot ou l’ignare qui passe trente ans à provoquer les gens? Il faut être totalement déconnecté des réalités camerounaises pour ignorer qu’il y a un mal-être et un mal vivre généralisé.

On parle aujourd’hui de la journée internationale de la musique. La question est de savoir si on peut attendre mieux de la musique camerounaise. La réalité est celle de certains détenteurs du pouvoir qui passe le temps à diviser les artistes. Vous avez une situation aujourd’hui où la Cour suprême du Cameroun a due trancher dans une affaire où un ministre a porté plainte au gouvernement. Heureusement, cette institution a donné raison au gouvernement qui crédite l’existence de la Cameroon music corporation (Cmc).

Malgré cette décision de la plus haute instance de justice, le même ministre maintien le désordre dans la gestion du droit d’auteur au vu et au su de tous y compris du président de la République qui l’à nommé. Lorsque l’on voit des groupes antagonistes se réclamant variablement de la Cmc et de la Socam, on est fondé de croire que le gouvernement et le président de la République en tire quelques profits. Ceci dis, nous ne perdons pas espoir. On a vu, au Cameroun, des gens poser des actes et être interpellé des années plus tard.

Les artistes camerounais ont droit à un milliard de Francs cfa par an pour le fond spécial d’aide à la culture. On a jamais fais l’inventaire sur l’utilisation de cet argent. Ce que l’on sait c’est qu’elle a pris une partie de cet argent pour monter un centre culturel en la mémoire de son père. L’ex-président Ahidjo n’en a pas. Je serais étonné de savoir que monsieur Biya ait un en sa mémoire. Je puis vous dire que je n’ai jamais gagné 20 millions de Francs, en cumulant tous les droits d’auteurs que j’ai perçus au Cameroun à ce jour. Il y a de nombreux artistes renommés dans mon cas. Dites que c’est normal en trente ans d’exercice dans un pays. Ce que je veux dire, c’est que je me dois de dire la vérité parce que moi-même je suis concerné par ce qui se passe.

Revenons à votre dernière production «démissionnez». On se rend compte que c’est le même texte qui est repris en quatre versions différentes. D’aucun évoque le manque d’inspiration ?

Je ne fabrique pas les gens de mauvaise foi, autant je ne les censure pas. Lorsque je commence la musique, le grand Fela Kuti faisait une seule chanson par 33 tour. C’était une face A en version chantée et une face B en version instrumentale. Et les gens en redemandaient. Je pense qu’il faut plutôt saluer la créativité d’un Lapiro qui sort quand même de prison. Au lieu de ça, des gens mal intentionnés veulent le discréditer avec des arguments spécieux. Je pari que les mêmes sont allé acheter la version piratée de mon dernier maxi-single. Dorénavant, je ne ferais que des singles, parce qu’il ne sert à rien de brader mon inspiration. Je pense qu’au-delà de la liberté de pensée de chacun, il faut respecter la créativité de l’artiste. Le maxi single «Démissionnez» c’est quatre versions qui ont le même titre mais qui ne se ressemble pas forcément. C’est des musiques complètement différentes.

On ne vous a pas trop entendu au sujet de la crise actuelle au sein de la Cmc…

Je ne suis pas dans la gesticulation et le tintamarre. Nous avons tous vu à la télévision certains individus empêcher le déroulement d’une assise légale. Ces individus sont-ils des membres de la Cameroon music corporation ? Je n’ai vu ni Ben Decca, ni Sam Fan Thomas encore moins Ndedi Eyango. Entre autres. Alors qui sont ceux qui sont allés empêcher la tenue du conseil d’administration extraordinaire de la Cmc ? J’aime mon métier. Je suis un doyen, donc je me dois de rassembler au lieu de détruire. J’ai pris l’option de ne pas aller en guerre contre les gens.

J’invite tous les artistes musiciens à quitter la Socam qui n’existe pas juridiquement pour la Cmc qui est reconnue par la loi camerounaise. Les textes de la Cour suprême ont dissout les décisions qui ont créé la Socam. Je demande aux artistes musiciens de revenir dans la structure qui leur est légalement reconnue. Il appartient aux artistes de se retrouver dans ce cadre. Organiser une Assemblée générale extraordinaire et placé la personne de leur choix à la tête de cette organisation. Vous serez étonné de voir que Sam Mbende n’est plus candidat à la présidence du conseil d’administration de la Cmc. Le fait que les artistes se tiraillent bénéficie à ceux qui ont le pouvoir politique et administratif. Je n’ai pas eu mes droits d’auteurs depuis quatre ans parce que je suis un fidèle à Sam Mbende.

En qualité de président de la commission de lutte contre la piraterie à la Cmc. Quand le Pca parle, je n’ai rien à dire. La Cmc est une structure qui a un porte-parole qui est le Pca. Il y a des gens bien connus de tous qui, faute de génie et d’inspiration et parfois mu par des visées politiciennes spolient la musique camerounaise. De nombreux artistes le savent bien. Mais ils font leur jeu au profit de ces gens là qui laissent entendre au parti au pouvoir qu’ils parlent au nom des artistes musiciens.

Entretien avec Joseph OLINGA

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