Une autre voie…

Bensouda et Soro

Prévue initialement le 18 juin 2012 à La Haye, l’audience de confirmation des charges pesant sur l’ex-président ivoirien, Laurent Gbagbo, écarté du pouvoir avec la bénédiction de l’ONU par la France de Nicolas Sarkozy, coordonnant une coalition hétéroclite de politiciens locaux de réputation douteuse et de coupeurs de routes meurtriers, ironiquement baptisés FRCI, se tiendra donc le 13 août prochain. 

Noyée dans le flot continu de la désinformation annonçant une énième guerre impérialiste menée cette fois contre la Syrie, l’actualité judiciaire internationale en provenance des Pays-Bas sera traitée selon la traditionnelle grille de lecture libérant la parole mensongère, adoptée par les médias occidentaux, permettant une réécriture permanente de l’histoire et l’imposition d’un cadre idéologique, défavorable par essence, aux intérêts des peuples dit faibles.

A ce titre il convient de poser un autre point de vue, le nôtre, militant avec détermination pour une approche rééquilibrant des rapports de force Nord/Sud iniques et amoraux.

Une nouvelle fois, au nom de grands principes systématiquement bafoués par les puissances occidentales depuis 1946 et la création de l’Organisation des Nations Unies, va nous être rejouée la comédie d’une justice internationale impartiale. On nous rappellera l’héritage de Grotius et le jus gentium, on nous rappellera Nuremberg et le procès de la brutalité nazie. On nous citera Charles Taylor et le Rwanda, symboles des horreurs de la « sauvagerie » africaine. On expliquera qu’il est uniquement question de dire le droit pour les victimes innocentes, du besoin impérieux de poser les jalons d’une autre humanité, plus noble plus apaisée et plus juste.

Ce ne sont là à l’évidence que billevesées et formules creuses, la CPI, ce pseudo instrument de justice et d’humanisme, n’a de légitimité et d’autorité qu’autant qu’on daigne lui en conférer. Pour notre part, nous ne lui accordons aucune, sauf à l’assimiler à un triste théâtre où se joue la pièce tragi-comique de l’impérialisme occidental déclinant.

Les Etats-Unis, plus grande nation terroriste de l’histoire moderne, ne reconnaissent pas sa compétence et pourtant s’en servent dans l’imposition de leurs délires hégémoniques.

A l’instar de leurs alliés occidentaux ayant ratifiés son statut, ils n’acceptent pas que l’on juge leurs dirigeants passés ou présents. Il est évident qu’ils n’accepteront pas que l’on juge leurs dirigeants futurs.

Au nom de quelle justification les Africains se placent-ils sous sa férule, sans condition aucune, courant le risque évident de se voir sempiternellement transformés en jouet des ambitions du plus fort ?




L‘histoire a pourtant démontré et démontre qu’il ne devrait en être question. L’histoire nous apprend aussi que face à la transgression permanente des valeurs humaines fondamentales par les gouvernants occidentaux et confronté aux effets de la souffrance du plus grand nombre comme donnée indépassable de l’Ordre mondial en construction, seul un refus absolu doit être opposé aux oukases des émanations onusiennes dont la CPI est l’avatar judiciaire.

Changer le monde et l’humanité est un vaste et beau programme, encore faut-il pour cela s’écarter de postulats passés et présents, obérant significativement toute velléité de recomposition de la scène géopolitique planétaire.

En tant qu’Africains, nous devons nous dépouiller des timidités et des freins, hérités d’une histoire violente et tourmentée, qui brident l’émergence d’une pensée générant les actions nécessaires et efficaces, entraînant la dynamique émancipatrice dont le continent a cruellement besoin.

Ces timidités et freins se sont récemment manifestés au travers des marques déraisonnables de satisfaction résonnant ici et là, concomitantes à l’annonce de la nomination de FatouBensouda au poste de procureure de la CPI, en lieu et place du sinistre Luis Moreno Ocampo,missi dominici zélé des puissances occidentales.

Jouez hautbois, résonnez musette, elle est donc arrivée la Divine Négresse, archange chargé de répandre la justice aux quatre coins de la planète! Mais de quelle justice est-il question ? Une justice impartiale, frappant avec équanimité le faible et le fort, le pauvre et le riche ?




Où une Thémis arborant un bandeau transparent, lui permettant de frapper avec justesse et précision un justiciable désigné par une main, qui loin d’être celle de la justice universelle, se révélerait simplement pro-occidentale?

Alassane Dramane Ouattara et Fatou Bensouda
L’entente Coordiale entre agents du néocolonialisme

 

Doit-on encore se poser la question, alors que Mme Bensouda s’est d’ores et déjà  rangée du côté du dictateur Alassane Ouattara, lors d’une visite à Abidjan, le 3 avril 2012. (1)

Lui qui n’est que le porte-drapeau d’une rébellion ayant ensanglantée la Côte d’Ivoire, et a été imposé à la tête de ce pays martyrisé par une France, qui jusqu’à présent, est mue par ses démons impérialistes en Afrique ?

Fatou Bensouda se prétendant parangon d’impartialité (Je serai le procureur de tous les Etats membres d’une manière indépendante et impartiale), a donc, avant sa prise de fonction, posé les jalons de son ministère.

Doigt sur la couture, elle sera la fidèle employée de ceux qui organisent ou financent le désordre international et accessoirement, payent ses émoluments.

Pouvait-il en être autrement ? Etre fonctionnaire stipendiée, officiant au sein des organes représentant la décentralisation de l’impérialisme, ne peut amener à le combattre.

Reconnaître le cadre oppressif et dédié de son expression, certes modernisé, ne peut amener à le contester. Par extension, se féliciter de l’intronisation d’une Africaine à la place d’Ocampo est commettre une erreur de raisonnement impardonnable. Ce n’est pas la couleur du contremaître de la plantation qui importe. Les coups de fouet sont, et demeureront réservés aux  faibles. L’autodétermination ne se gagnera pas en usant de raisonnements aussi tendancieux, faisant la part belle à un sentimentalisme ou à un panafricanisme de bas étage.

Quelles que peuvent être les déclarations solennelles de Mme Bensouda (La justice doit être la même pour tout le monde), ou sa détermination de façade à défendre la veuve et l’orphelin (Par ailleurs, nous sommes aussi en train de mener des enquêtes préliminaires en Afghanistan, en Géorgie, en Corée du Nord), elles ne peuvent empêcher l’observateur avisé de noter que le nouveau pantin nègre du mondialisme, n’a aucune pensée pour les criminels originaires des pays bailleurs de fonds de la Cour de justice d’opérette qu’elle est chargée de vendre aux foules africaines.

Le calcul consistant à placer au poste de procureure une femme de couleur n’abusera que les niais. Tant que la CPI ne diligentera pas d’enquête sur les agissements américains en Irak ou Afghanistan, les exactions otaniennes en Libye, les crimes français en Côte d’Ivoire (nous nous arrêterons là, le chapelet des crimes occidentaux s’égrènerait sur des pages entières), Mme Bensouda ne bénéficiera nullement de notre respect et de notre allégeance, qu’elle soit africaine ou pas. Car c’est la force de ce colonialisme nouvelle mouture pratiquant l’Indirect rule, de s’octroyer sans finesse le soutien de contremaitres africains fidèles et zélés, en flattant leur égo d’hommes et de femmes fondamentalement complexés, prêts à tout pour jouir d’un statut ou d’une place éminente au sein de ce qu’il convient de nommer le White men’s world

S’il arrive aux plus belles roses de pousser sur des champs de fumiers, aucune ne peut éclore sur celui de cet Ordre mondial, labouré par des puissances occidentales ruinées, structurellement inégalitaires et historiquement expansionnistes.

Vient le moment où l’on nous objectera à raison :« Mais alors que faire ? ». La réponse s’impose d’elle-même, puisque parée des atours de l’évidence.

Fatou Bensouda
Fatou Bensouda

Les hommes et femmes de bonnes volonté, ayant l’ambition d’une Afrique autre, effectivement libérée de ses chaines, ne contraignant pas ses enfants à l’exode, pour qu’on les humilie et les maltraite en sont conscients (les exemples récents des manifestations racistes, dans la Chine chère à M. Pougala ou en Israël, doivent entrainer une remise en question fondamentale des inefficaces politiques de développement imposées à l’Afrique). (2) (3)
L’Occident agressif, prédateur et égocentrique, ainsi que ses démembrements politiques, économiques et aujourd’hui judiciaires sont à combattre sans hésitation et avec la dernière énergie.

Comment les combattre efficacement ? Il nous faut aujourd’hui, africains, mettre en place un nouveau cadre idéologique et cependant pragmatique, qui, à l’instar du mouvement des non-alignés impulsé par Jawaharlal Nehru à la Conférence de Bandung en 1955, bousculera un ordonnancement mondial ne laissant à l’Afrique et aux Africains que la place du perdant, de la victime ou du soumis.

Il est temps pour notre génération de prendre ses responsabilités et d’imposer dans le combat des idées et ensuite dans l’arène politique une opposition renouvelée, constructive et utile. Elle ne peut être que le fruit d’une mise en synergie de forces vives visant le même but : la libération et pragmatiquement le mieux-être des populations locales. Au-delà des formules rebattues d’un certain panafricanisme, n’ayant pour finalité que de dissimuler l’absence d’un projet concurrent à celui de l’Occident déclinant, et dans lequel la jeunesse africaine pourrait se reconnaitre et s’investir, il est de notre devoir de réorganiser la pensée, non seulement de l’Afrique mais des Africains.

En d’autres termes: dépasser les vieilles lunes d’une fraternité ontologique des peuples noirs, pour imposer le rayonnement du soleil d’un renouveau, susceptible d’apporter les réponses concrètes aux attentes des hommes et des femmes du continent.

La redéfinition de nos Etats et de leurs missions en tant qu’entités administratives en est un exemple pratique. Il nous faut, ensemble, re-calibrer et rediriger nos positionnements et actes posés, notamment du point de vue géopolitique, avec pour objectif d’amener les gouvernants continentaux de demain, à promouvoir, assumer et défendre les besoins des populations africaines. Les échecs répétés de l’UA et de la CEDEAO sur la scène internationale ont achevé de convaincre les derniers sceptiques de leur inutilité et impuissance génétiques.

Le cadre oppressif hérité de la colonisation, dans lequel l’Etat conçoit ses propres administrés comme des ennemis qu’il faut contenir, à la place de citoyens qu’il faut servir, ne peut plus perdurer. Les armées et polices africaines défaillantes, incapables de protéger leurs peuples, parce que conçues et pensées pour les réprimer, demeurent l’expression d’une schizophrénie, frappant originellement le colonisé, qui n’est pas encore guérie.



Se satisfaire de divisions économiques et politiques, plongeant leurs racines dans l’abomination coloniale ne peut, non seulement nous convenir, mais aussi et surtout, être le gage du retour de l’Afrique à sa juste place au regard de ses potentialités réelles.

Seule une réinvention de ce que nous sommes, collectivement, à l’intérieur de nos frontières étatiques et continentales nous amènera à porter le fer là où il est nécessaire, c’est-à-dire sur la scène internationale.

Le fond conditionnant la forme, cet effort colossal ne peut être éludé, c’est aussi là la seule voie à emprunter.

Celle qui nous écartera de la justice partiale, factice et orientée qui s’abattra de nouveau sur l’un des nôtres, le 13 aout prochain et dont la nouvelle procureure de la CPI nous assure de la célérité…(4)

Ahouansou Séyivé 

Notes

(1)http://www.nouveaucourrier.info/2012/04/04/bensouda-a-rencontre-ouattara-hier-toujours-a-la-recherche-de-preuves-contre-gbagbo/

(2)http://weibo.blog.lemonde.fr/2012/06/21/poussee-de-nationalisme-apres-une-manifestation-africaine-a-canton/#xtor=AL-32280270

(3)http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2012/06/12/israel-poursuit-sa-campagne-d-arrestation-de-clandestins-pour-les-expulser_1717288_3218.html#xtor=AL-32280270

(4)http://news.abidjan.net/h/436415.html

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