Qui veut faire passer Alassane Ouattara pour un menteur ?

Alassane Dramane Ouattara

Alassane Ouattara, est rentré, le lundi 25 juin d’Israël où il était en visite officielle, et après son inévitable détour parisien. Accueilli à sa descente d’avion par son frère Birahima Ouattara, ministre en charge des Affaires présidentielles, le chef de l’Etat ivoirien, s’est prêté aux questions de la presse qui s’est intéressée à sa visite en Israël et à l’actualité politique nationale.

Relativement à l’affaire «Koné Katinan» dont la RTI avait affirmé l’arrestation au Cameroun le 15 juin, et annoncé l’extradition dans les heures qui devraient suivre, Alassane Ouattara, le chef de l’exécutif ivoirien et ministre de la Défense, a répondu en ces termes. “Je viens d’arriver, même si je suis en contact permanent avec les services de sécurité de police. (…) En ce qui concerne notre frère Koné Katinan, effectivement, il réside au Cameroun. Il a fait des déclarations et des prises de position qui sont contraires au statut de réfugié qu’il semblait avoir sous différents noms qui m’ont été communiqués par les autorités camerounaises. Il est actuellement recherché par les autorités camerounaises. Le Président Paul Biya et moi sommes en contact permanent pour essayer de régler cette question. Je préfère ne pas en dire plus. En fonction de l’actualité, les choses seront connues très rapidement”.

Ainsi, Alassane Ouattara reste dans le même tempo que la presse du RDR qui continue de mentir et d’entretenir l’illusion de l’arrestation de Koné Katinan. En dehors de la notion de statut de réfugié enfin reconnu par Ouattara même si nous savons qu’il n’en respecte pas, et n’en respectera sans doute jamais, les protections induites, cette réponse a vraiment de quoi à donner froid au dos.

En effet, si l’on considère qu’Alassane Ouattara n’a aucun intérêt à prendre, à chaque occasion, des écarts avec la vérité, il conviendrait alors de se poser des questions sur les mobiles et le contexte de cette version au sommet de l’Etat, tant il est clairement établi que Koné Katinan ne se trouve guère au Cameroun.

Alassane Dramane OuattaraCela ne fait, avec preuves à l’appui, l’ombre d’aucun doute. Depuis la cérémonie ratée de la présentation du livre de Charles Onana (Côte d’Ivoire, le Coup d’Etat – préfacé par le président Thabo Mbeki) où Katinan a flairé des menaces, ce dernier n’a plus jamais mis les pieds au Cameroun. L’on se souvient que cette conférence avait été interdite au dernier moment – faisant craindre des suites désagréables par Katinan – et que des autorités camerounaises avaient discrètement conseillé à Koné Katinan de quitter le territoire, tout en lui apportant aide et assistance pour filer à l’anglaise.

Sur la base de l’unique vérité qui est que Koné Katinan ne s’est jamais trouvé au Cameroun au moment où le pouvoir RDR et sa presse le disaient y être, et même arrêté et sur le point d’être extradé, la sortie d’Alassane Ouattara, suscite de nombreuses interrogations.

Un Camerounais ou quelqu’un résidant au Cameroun, proche du pouvoir de Yaoundé, joue-t-il avec l’image du chef de l’Etat ivoirien afin qu’il passe pour un menteur, au point d’écorcher davantage son image déjà terni après avoir suscité tant d’espoirs ? Dans une telle hypothèse, agit-il en ami des opposants ou des adversaires futurs du chef de l’Etat ivoirien ou pour régler un contentieux d’affaires ? Cette piste jouxte avec le fait que cette bourde à l’ivoirienne serait née d’une note verbale reçue au Ministère des Affaires étrangères à Abidjan.

A moins que dans sa réponse, Alassane Ouattara n’ait été influencé ou n’ait tenu compte de la présence du ministre ivoirien des Affaires étrangères, Daniel Kablan Duncan, arrivé en retard à l’accueil de Ouattara mais qui a eu le temps de se trouver une place, à côté de Ouattara, lors de l’interview, dans le salon d’honneur de l’aéroport international Félix Houphouët-Boigny. Dans ce cas alors, Ouattara, pour ne pas humilier son ministre PDCI qui est à la base de cette bévue, ne pouvait démentir la fausse information en présence du concerné. Simple question de gêne et de respect de l’âge et de la fonction ?

D’où la petite porte de sortie qu’il s’aménage en préférant ne pas en dire  plus, les  choses devant se faire connaître en fonction de l’actualité ? Le chef de l’Etat assure que Katinan bénéficie d’un “statut de réfugié qu’il semblait avoir sous différents noms qui (lui) ont été communiqués par les autorités camerounaises”. A cette allure, pourra-t-on un jour retrouver au Cameroun, un certain Katinan, alors qu’il ne s’y trouve pas sous ce nom ?

En affirmant, “il (Katinan) est actuellement recherché par les autorités camerounaises, le Président Paul Biya et moi sommes en contact permanent pour essayer de régler cette question”, Alassane Ouattara est-il victime du président camerounais ou de la manipulation des services de ce dernier? Ou veut-il dire, par “régler la question”, que Paul Biya l’aidera à sauver la face par une autre présentation des faits ? A moins que Ouattara n’ait jamais discuté du cas Katinan avec le président camerounais, du moins dans les termes indiqués. Il s’agirait alors de maintenir la pression sur les cadres exilés en vendant l’illusion de s’entendre avec ses pairs qui condamnent en privé son entêtement. Il conforterait la direction prise par le ministre ivoirien de l’Intérieur, Hamed Bakayoko, qui dans son one-man-show télévisé avait averti : “un à un, un à un ils seront extradés”.

L’extradition des 41 présumés miliciens ivoiriens du Libéria participerait alors de la même ligne. Sinon, pourquoi des jeunes, emprisonnés depuis un an au Libéria, pour dit-on en réalité des raisons autres que des crimes commis lors de la guerre postélectorale, feraient-ils l’objet d’extradition comme si le pouvoir RHDP n’était avide que de “racaille”? Il est même curieux d’apprendre que “les présumés coupables, après leur audition, seront présentés immédiatement à un juge. C’est le jeudi 21 juin dernier que le Tribunal de Zwedru, au sud-ouest du Libéria, avait autorisé l’extradition des 41 Ivoiriens arrêtés par la Mission des Nations Unies au Libéria (Munil) le 19 avril 2011 à la frontière ivoiro-libérienne” (Soir Info du 26 juin 2012).

Ils ont donc été extradés après procès devant un tribunal du sud-ouest du Libéria, alors que la frontière entre le Libéria et la Côte d’Ivoire est à l’ouest de cette dernière, donc forcément à l’est du Libéria. En outre, ils n’ont aucun lien avec la mort des casques bleus qui a accéléré leur extradition. Par des articles insidieux tendant à rassurer malicieusement les Ivoiriens dont il ne peut assurer la sécurité, le pouvoir d’Abidjan voudrait les présenter comme les présumés auteurs de ces crimes. Il est à craindre que ces jeunes ne soient d’autres victimes de la frilosité d’un pouvoir qui se perd dans ses contradictions.

Cette sortie de Ouattara est plus grave qu’elle ne le paraît et va au-delà de l’ensemble des questions et du questionnement global que pose le statut de ‘’personne qui a un problème avec la vérité’’ que lui prêtent de plus en plus la presse et l’opposition, trait de caractère qui a tendance à être pris en compte dans l’opinion. Un chef d’Etat peut-il engager sa crédibilité en prêchant le faux, y compris en y associant le nom d’autres chefs d’Etat, dans l’espoir que l’orgueil reconnu des pro-Gbagbo les conduirait à parler et à se dévoiler, compensant ainsi les graves insuffisances de ses services de renseignement “dozocolorés”, c’est-à-dire à la coloration “dozo”?

Des sources fiables et concordantes indiquent que les services français et américains du renseignement ne se doutent pas un seul instant que Katinan ne soit pas au Cameroun. Mieux, ils connaissent au détail près le programme de travail de Koné Katinan sur les deux derniers mois. En laissant le régime ivoirien continuer de patauger dans le risque du ridicule, ces services l’ont-ils lâché ? Ou veulent-ils le discréditer ? A quelles fins alors ?

Des sources diplomatiques indiquent que, très déçus de la mauvaise  gouvernance du régime, notamment sur les questions de justice, de droits de l’homme, d’exactions impunies et de réconciliation bloquée, les alliés occidentaux d’hier, qui se sont compromis en Côte d’Ivoire au point d’essuyer à présent la fermeté russe en Syrie, voudraient bien lever le pied, d’autant plus que les valeurs qui ont fondé leur action se sont évaporées au stade d’attente et d’espoir. Est-ce pour donner des signes de prise en compte tardive et désespérée de ces valeurs que Ouattara parle, pour la première fois, de “statut de réfugié”? Qui n’a malheureusement pas profité au ministre Lida Kouassi.

Nelson Degol Makeba
Politologue-Expert en Développement

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