En Afrique, la légende veut que les morts ne soient jamais morts. Ce qui est relativement vrai, dans la mesure où les vivants les gardent au musée individuel ou collectif du souvenir. Mais, il y a des morts qui ne sont pas morts, parce qu’ils laissent derrière eux des traces si visibles, et parfois si vivantes, qu’elles font davantage penser, non pas à une disparition, mais à une simple et passagère absence.
C’est bien ce que ses amis, ses ennemis, et tous ses proches doivent ou devraient penser de Pius N. Njawè, dont tous se souviennent qu’il y a deux ans déjà, il a tragiquement disparu du champ du combat pour les libertés, dans un accident routier en Virginie aux Etats-Unis, et dans des circonstances qui restent toujours inexpliquées, y compris par ceux qui étaient ses hôtes pour l’y avoir invité.
Le quotidien Le Messager, dont l’Assemblée générale des actionnaires m’a honoré de la direction de publication depuis ces deux ans, est assurément, s’il faut le rappeler, l’une des plus visibles, et en tout cas, la plus vivante des traces qu’il aura mis trente années de sa courte vie, à graver comme une empreinte symbolique, sur le chantier encore inachevé, hélas ! de la construction d’une société de Droit au Cameroun.
Peu de gens, malgré la montagne de promesses faites à Babouantou, sur la dépouille de Pius, croyait vraiment que Le Messager survivrait à la disparition de son promoteur et mythique directeur de publication. Les promesses étaient donc, pour le moins fallacieuses, et n’ont brillé que par leurs effets d’annonce. Sauf une cependant : celle faite par le personnel du journal, qui, son doyen en tête, avait alors juré et promis que le relais ne tomberait pas de leurs mains.
Bon gré mal gré, et comme si « à brebis tondue Dieu mesurait le vent » effectivement, ce personnel a tenu les deux premières années de son engagement, dans les conditions difficiles que connaissait l’entreprise, démontrant assurément que, comme dit l’autre, « les difficultés ne sont pas faites pour vaincre, mais pour être vaincues ».
D’avoir ainsi démontré la solidité originelle du journal basée sur la qualité de ses ressources humaines, et pérennisé l’instrument symbole de la lutte pour les libertés qui était sa raison d’exister, en somme, d’avoir poursuivi en toute fidélité son œuvre citoyenne, sans rien attendre en retour que nos salaires de catéchiste, de la part de ceux qui font Le Messager chaque jour, me semble être le meilleur hommage humain rendu à la mémoire de Pius Noumeni Njawè, militant des droits humains et croyant, que nous espérons se trouver en confort entre les mains de l’Eternel. Et que vive son esprit à travers Le Messager.
Jean Baptiste SIPA
Le Messager