A propos du Mali et des autres. Une simple équation géopolitique ?

L’alternative fédéraliste comme solution ?

En parcourant les dernières nominations dans les forces armées du Cameroun, n’importe quel observateur honnête a pu se rendre compte de la marginalisation presque totale pour ne pas dire absolue de la région de l’Ouest du pays. Les noms de citoyens de cette région sont ainsi dorénavant oubliés ou rayés des actes de nomination et de promotion importants dans la fonction publique et les structures publiques.

Or le simple fait de l’évoquer ou de le faire remarquer, suffit pour générer d’autres débats non moins discriminatoires où les victimes sont transformées en accusés. Des esprits fertiles de propositions saugrenues, ont cru conseiller des systèmes de rotation au sommet du pouvoir, comme une porte de sortie des gouvernances préjudicielles. Il faut tout de suite répondre que ce genre d’échappatoire construit le trouble et aggrave le problème. Ce qui est en débat ce n’est pas un partage vil et avide du pouvoir, c’est au contraire, une conception décentralisée du pouvoir qui exclu la confusion du bien collectif avec le bien individuel, la gestion entno centrée et clanique privilégiant quelques uns, avec une gestion fondée sur des considérations citoyennes égalitaires.

Le discours aura beau être poli et les textes soutenues et enrichis, rien ne vaudra le recours honnête au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et la sauvegarde du principe du libre arbitre des groupes distincts et effectivement différents. La tentation du maintien et de la validation par tous les moyens et par toutes les voies du pouvoir centralisé et omnipotent, n’est plus approprié dans un monde où l’exigence du pluralisme et de la liberté d’opinion, conditionnent définitivement toute évolution.

Entre Barbarie et modernité

Que l’on soit de couleur bleue ou que l’on soit de couleur rouge pour ses opinions, la réalité d’un monde où la technologie a unifié les besoins et renforcé l’homogénéisation des grands principes, impose que l’on accepte pour toujours, que le pouvoir politique n’est valide et légitime, que si les citoyens dans leur grand nombre, certifient sa crédibilité à travers des consultations électorales justes. C’est le défaut de cette qualité et par conséquent de cette certification, qui concrétise l’ambition fédéraliste, et légitime la revendication des groupes qui s’estiment discriminés, pour un éclatement.

Or si dans l’esprit et la perception des pouvoirs sales et obscurantistes, l’option fédéraliste rallie le désordre et instaure le danger, c’est d’abord parce que la gestion privilégie des clans et des intérêts sectaires qui se nourrissent de discrimination et des marginalisations des autres, parfois des groupes plus importants et plus représentatifs. L’Ethiopie lorsqu’elle rédigeait sa constitution au sortir des années noires de la dictature de Menguistu, avait fait cette proclamation : « nous élaborerons une constitution tellement démocratique, tellement moderne, tellement consensuelle, tellement belle, que celui ou celle qui voudra se séparer de nous, le regrettera éternellement ». Ce n’était pas seulement une proclamation, c’était une profession de foi d’une solennité à nulle autre pareille. L’histoire des vingt dernières années leur a amplement donné raison. Le pays qui jadis était secoué par  mille velléités de cessession et par des dizaines de groupuscules de guérillas autonomistes, connaît une stabilité qui fait des envieux.

Il suffisait pourtant à des pays comme le Cameroun de monsieur Paul Biya ou le Congo de monsieur Sassou Nguesso, de s’approprier la même profession de foi, pour épargner à leur peuple, les nuages sombres qui s’accumulent à l’horizon et présagent des lendemains terrifiants. Hélas, les coquilles institutionnelles infâmes héritées subrepticement d’une décolonisation française inachevée ou pire malicieuse, n’ont pas préparé les mentalités attardées et tordues des élites francophiles, à de telles alternatives pacifiques, modernes et teintées de sagesse. Déjà honteusement scotchées sur le principe insoutenable, obscurantiste et lamentable du mandat présidentiel de sept ans,  ces « African french president » n’ont ni bien étudié le fédéralisme à l’école, ni intégré les enseignements et les renseignements des grandes révolutions qui ont marqué l’histoire de l’humanité dans la projection de leur destin.

Dans de nombreux cas, si l’on se penche à nouveau sur la situation malienne, l’argument soit de l’enclavement, soit du nombre insignifiant de la population a été avancé. Il faut se remémorer le sempiternel débat au sein de l’assemblée générale de l’Onu dans la décennie 1970 – 1980, lorsque les grandes puissances, notamment occidentales, contestaient la validité de la représentation de quelques petits pays qualifiés de micro-Etats, et la réponse que leur opposaient alors les érudits du droit international.

L’argumentation de combat pour mettre en déroute les prétentions euro-américaines tenaient en une seule phrase : « l’Etat c’est juste un territoire, une population et une administration et c’est tout. Nullement besoin donc de quantifier quoi que ce soit, de mesurer quoi que ce soit, d’évaluer les réserves en devises ou de compter le nombre des canons et des avions ». Voilà qui ramené à notre réflexion, construit de façon on ne peut plus incontestable, la solidité de la thèse fédéraliste.

Dès lors que l’Etat centralisé, qu’il procède d’un héritage culturel et politique regrettable, ou qu’il soit le produit d’un accident institutionnel et historique, ne peut pas accomplir la mission qui est la sienne d’assurer de façon non discriminatoire le bonheur de tous les citoyens et groupes de citoyens dont il a la charge, toutes les alternatives conduisant à sa contestation, à sa mise à mort, à sa désintégration ou à son éclatement organisé ou non organisé, doivent être envisagées, acceptées, encouragées et validées logiquement. Tant mieux si cette mutation prend la forme du fédéralisme.

Dr Shanda Tomne

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