Issa Tchiroma adresse une lettre d’excuses à la BBC

BBC

Le ministre camerounais de la Communication, Issa Tchiroma, a envoyé jeudi 2 août une lettre d’excuses à la BBC.

On se souvient que son département avait publié un communiqué parlant d’une aide du gouvernement camerounais à la chaîne britannique.

A Yaoundé, les médias et l’opposition dénoncent un scandale de trop. Dans la lettre envoyée hier au rédacteur en chef de la BBC, le ministre Issa Tchiroma Bakary parle de “dysfonctionnement interne regrettable” et s’empresse de préciser que “la BBC n’a pas déposé de demande d’appui auprès du gouvernement camerounais et n’en a pas reçu à quelque occasion que ce soit”. 

Hier, à la réception de la lettre du ministre, le directeur général de la BBC a convoqué à Londres le directeur du Service Mondial de la BBC, dont dépend BBC Afrique, pour étudier l’attitude à adopter face à la situation.

La chaîne britannique a ainsi décidé de diffuser le communiqué dont la teneur suit : Dans une lettre adressée à BBC Afrique, le ministre camerounais de la Communication, Issa Tchiroma Bakary, a qualifié de “malencontreuse méprise et fruit d’un dysfonctionnement interne regrettable” la publication de ce communiqué largement relayé par la presse. “Je me dois d’affirmer avec force que la BBC n’a pas déposé de demande d’appui auprès du gouvernement camerounais”. La BBC se félicite de la mise au point apportée par le gouvernement camerounais, et confirme qu’elle n’a jamais reçu et n’acceptera aucune aide financière d’aucun gouvernement. “L’audience importante de la BBC au Cameroun sait que nous sommes renommés dans le monde entier pour notre information impartiale et indépendante, des valeurs qui ne seront jamais compromises”.

Le rédacteur en chef de BBC Afrique, Ibrahima Diané, n’était pas joignable au téléphone pour commenter l’événement. Contacté au téléphone à Dakar où il est basé depuis une semaine, le rédacteur en chef du bureau de Dakar, Hervé Yonkeu, nous a quant à lui renvoyés au communiqué officiel de la BBC, ajoutant qu’il n’avait aucun autre commentaire à faire.

Entre-temps, l’affaire fait grand bruit au Cameroun où les médias locaux se sont délectés, à l’exception de quelques-uns soupçonnés d’avoir été grassement servis lors de la dernière vague de subventions, de ce qu’ils qualifient de nouveau scandale de l’ère Biya.

Tout commence le 18 juin dernier, lorsqu’un communiqué du ministère de la Communication du Cameroun diffusé dans les médias publics, dont le quotidien gouvernemental Cameroon Tribune, publie une liste d’organes de presse sélectionnés pour recevoir une aide de l’Etat camerounais.

Sur la liste figurent plusieurs organes de presse auxquels le gouvernement camerounais prétend vouloir accorder une aide. Il s’agit notamment de la “Brazilian Movies and video production Company” (une obscure entité dont l’identité n’a pu être vérifiée, NDLR) de France Télévisions, de la JBC (Japan Broadcasting Corporation) et de… la BBC.

Le fait est que la chaîne britannique tire une grande fierté de son indépendance, qui est l’un des principes fondateurs de la Charte Royale portant création de la BBC. En conséquence, sa réputation d’indépendance pourrait être entachée dans le pays.

La BBC dispose en effet de quatre relais FM au Cameroun, elle est le deuxième diffuseur international du pays, derrière RFI ; elle sait aussi que sa réputation d’indépendance pourrait être mise à mal par cette affaire.

En revanche, dans les bureaux de France Télévisions, l’affaire fait marrer, mais on ne veut surtout rien faire qui complique davantage les rapports avec le gouvernement camerounais.

A la JBC, à Tokyo, c’est la franche rigolade, mais le Cameroun est si loin…

A Yaoundé, en revanche, l’affaire provoque un tohu-bohu impressionnant. Vicent Sosthène Fouda, homme politique en verve, s’interroge publiquement sur les raisons qui ont pu pousser des organes de presse à accepter des financements d’un gouvernement corrompu qui utilise l’argent du contribuable de manière aussi éhontée.

Pas fous, les correspondants de la BBC à Yaoundé, Jean-David Mihamlé et Randy Joe Sa’ah Azeng, entreprennent de signaler rapidement l’affaire à leurs rédactions respectives à Londres.

L’ambassade de Grande-Bretagne à Yaoundé exprime de son côté sa profonde préoccupation et souhaite faire connaître la vérité quant à l’apparition du nom de la BBC sur la liste des organes de presse « aidés ».

Pour ne rien arranger à l’affaire, un fonctionnaire du ministère de la Communication dont les poches ont été visiblement lésées lors des travaux de la Commission, révèle sous anonymat que, bons princes, les membres de la commission d’attribution de subventions aux médias se sont d’abord assurés de s’en mettre plein les poches. Charité bien ordonnée commence par soi-même, dit-on. Et pour reprendre une expression bien connue au Cameroun, « la chèvre broute là où elle est attachée. »

Il est à noter que sur 192 demandes de subventions soumises à la Commission, 160 ont été jugées admissibles, tandis que 32 ont été rejetées.

Depuis que le gouvernement camerounais a mis en place ce programme de subvention aux médias privés, il y a quelques années, l’opération a été discréditée par de nombreuses allégations de corruption, tandis que les critères d’éligibilité restent controversés.

Réagissant à cette situation, le directeur de publication du quotidien L’Actu, Emmanuel Gustave Sammick, dit ne pas comprendre pourquoi son journal (un quotidien ordinaire) n’a obtenu que 900.000 FCFA alors que de nombreuses publications « paraissant brusquement » se sont vu octroyer 1,5 million de FCFA.

De fait, selon des sources proches du Ministère camerounais de la Communication, certains fonctionnaires peu scrupuleux seraient de connivence avec des particuliers pour les inciter à créer de manière fantaisiste des journaux et associations professionnelles juste pour empocher de manière indue les subventions de l’Etat.

Un autre journaliste local estime que de toutes façons, «ces petites subventions accordées par l’Etat n’ont d’autre but que de saper les efforts des médias pour l’érection d’une société démocratique.»

C’est du reste ce qui a poussé plusieurs éditeurs de presse à constamment refuser la subvention de l’Etat.

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