Une soif de démocratie résultat de la soif de pétrole

Milice Libienne

Près d’un an après le triomphe militaire éclatant  de la révolution démocratique libyenne (souvenons-nous du  panache inégalé de cette victoire à Syrte dont les images ont fait le tour de la planète), les observateurs impartiaux  des printemps arabes hésitent toujours à se prononcer de manière  claire et sans équivoque sur la nature du  bilan de ce premier parcours de liberté du peuple libyen après 42 ans d’une  dictature kadafienne qui prétendait gagner le cœur du peuple en s’occupant de son alimentation et de son confort matériel et social, achetant la paix sociale à coup de rente pétrolière.

Comment expliquer  cette prudence pour ne pas dire ce scepticisme ? Il ne semble pas exagéré  et   est compréhensible car le tableau est  bigarré à l’extrême  et pas toujours très réjouissant, il faut le reconnaitre, hélas. Certes, une des premières conditions de base de la démocratie, le BA-BA, on va dire,  vient d’être magistralement  remplie avec les premières élections législatives qui ont donné la majorité aux libéraux. Indice qui ne peut tromper, l’exploit a été salué et hautement apprécié par les plus hauts  dignitaires des démocraties occidentales.

Pour les affaires c’est incontestablement  un climat très positif.  Dans un pays ruiné par 42 ans de dictature politique et de dirigisme économique, où tout est à reconstruire pour ne pas dire à construire tout simplement,  ce n’est pas là, il va sans dire, un atout négligeable. Les besoins sont considérables, dit-on, de l’ordre de 100 milliards d’investissements sur les cinq prochaines années. De la à conclure que les Libyens (sans faire  allusion à l’effet de la canicule qui  sévit dans ce pays en cette saison) ont étanché leur soif de démocratie, il n’y a qu’ un pas qu’on ne saurait pourtant franchir sans céder  à l’euphorie démocratique ambiante(irrésistible, il faut l’avouer)  qui règne dans les capitales occidentales( si on fait abstraction, bien entendu, de la crise de l’euro, qui reste somme toute assez circonscrite et trop  conjoncturelle, pour être prise en compte dans cette évaluation).

Des médias nombreux qui ont donné la preuve de leur objectivité en accompagnant-  avec un professionnalisme et une déontologie que le monde entier leur reconnait-le combat héroïque et exemplaire du peuple libyen pour la démocratie, tirent la sonnette d’alarme. Le Conseil national de transition (CNT) peine toujours  à faire désarmer les milices qui l’ont conduit au pouvoir et dit craindre une « guerre civile », la région de Cyrénaïque vient de revendiquer à Benghazi son autonomie au sein d’une fédération libyenne.

Chaque jour, des combats meurtriers opposent les différentes tribus de la Libye qui se disputent (notamment) les puits de pétrole, ils s’entretuent à coup de gaz moutarde, ainsi à chaque salve, ce n’est pas un qui meurt, mais par centaine.  Mosquées, maisons, collèges et hôpitaux  sont la cible d’une furie destructrice de groupes visiblement  trop longtemps frustrés d’exercice de la  démocratie. A Benghazi, les milices extrémistes de la Qaïda distribuent des tracts dans les mosquées de  cette ville qui a été, il ne faut pas l’oublier, à la pointe de la lutte pour la démocratie, interdisant aux filles d’aller à l’université. Toute famille prend sa responsabilité sur le sort de sa fille si elle va à l’université. Ces milices ont attaqué le tribunal du sud de Benghazi et  en  ont expulsé les femmes juges et avocates,  les  menaçant, si elles reviennent,  de les  torturer. Leur place est à la maison.

La liste est trop longue des effets pervers, sanglants et chaotiques de ce réveil démocratique  de la Lybie dont les amis des premiers jours ont des difficultés à cacher leur inquiétude. Ne parlons pas de la déception du philosophe Bernard Henri Levy, ardent défenseur des droits de l’homme dans les pays arabes,  comme on le sait. Le Quai d’Orsay, lui-même  n’a-t-il pas déconseillé quasiment à ses ressortissants de se rendre en Lybie, par les temps qui courent.

Paradoxalement, le seul secteur, pour l’instant, qui a tenu ses promesses  est celui de la  production de pétrole, assurée par des compagnies étrangères, qui a retrouvé  son niveau d’avant la révolution démocratique. Pour l’année 2012, le volume de ce brut de haute qualité pourrait dépasser celui de 2009 qui était de 1,43 million de tonnes. Actuellement, selon le ministre du pétrole la Lybie produit 1,56 million de barils par jour, contre 1,6 million avant-guerre.

D’ici 2020, le pays espère produire quotidiennement deux millions de barils de pétrole. Des perspectives prometteuses et qui rassurent les partenaires de ce pays. Ainsi, la Suisse, longtemps sevrée d’or noir libyen par le régime   dictatorial de  Kadafi, peut à nouveau s’offrir ce brut de haute qualité très prisé des économies des démocraties occidentales. Incontestablement, Français, Anglais, Américains avaient parié gros sur les chances d’une Lybie démocratique et s’attendent légitimement à être récompensés pour les risques  considérables qu’ils ont pris.

Le coût de l’intervention en Libye en témoigne. Le Royaume-Uni estime la facture de son intervention à 300 millions de livres, soit 343 millions d’euros, mais un expert indépendant l’évalue à 1,75 milliards de livres La France, tout aussi engagée sur le terrain,  maintient son estimation de 320 millions d’euros. Les États-Unis, plus gros contributeurs de la coalition internationale, n’ont pas encore annoncé de bilan financier. Le chiffre de  500 millions d’euros a été annoncé à titre provisoire par Washington. «  Je crois, avait dit confiant et optimiste, le ministre de la défense de Sarkozy, Gérard Longuet, que l’économie française sera gagnante ».Sur le terrain ses espoirs semblent se confirmer.   L’argent frais arrive, notent les chancelleries occidentales. La préparation des budgets est en cours dans les ministères, et ces derniers vont pouvoir signer des contrats. Les dépenses envisagées sont de 68 milliards de dollars, dont 20 milliards pour les infrastructures. « La situation bancaire s’améliore,  beaucoup d’entreprises ont pu récupérer leur argent, sur les 45 entreprises françaises présentes en Libye avant la révolution du 17 février, 35 s’y sont réinstallées. Beaucoup d’espoirs sont encore permis d’autant que le peuple de Syrie, pays pétrolier lui aussi et puissance gazière en perspective, veut à son tour étancher sa soif de démocratie et gouter au doux parfum des printemps arabes .» 

Devant la démonstration d une telle réussite démocratique libyenne comment en effet ne pas regretter de ne pas faire partie de ce club des heureux élus du printemps arabe .C’est du gagnant-gagnant comme on dit aujourd’hui.La preuve en est fournie par  l’ex activiste du groupuscule démocratique Occident, Gérard Longuet  qui sans doute,  prend à Tripoli,  sa revanche sur son deuil de l’Algérie française, «  l’économie française sera gagnante ». Ajoutons, pour ne pas faire de jaloux , l’anglaise et l’américaine aussi surtout  qu’ils  en ont bien besoin par ces temps de déprime tenace, il faut l’avouer.

Avec  l’enthousiasme et l’implication concrète  et agissante dont elles ont fait preuve dans la réussite des printemps arabes, qui peut encore, honnêtement, reprocher aujourd’hui  aux  démocraties occidentales , les massacres de Sétif et de Kherrata des légionnaires français, le napalm sur les djebels algériens,, l’agent défoliant orange des GI’S sur les rizières indochinoises, les destructions ,la désolation et les millions de morts  causés à la Serbie, à l’Afghanistan, à l’Irak, au peuple palestinien Seuls des esprits chagrins, des nostalgiques, des hommes du passé, comme dirait le French Doctor, Bernard Kouchner.
 
Ahcene Beddalil

Chapeau de Mohammed Bouhamidi

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