“Une affaire de nègres” : au coeur des ténèbres

Face au banditisme qui sévissait dans la capitale économique du Cameroun, cette unité paramilitaire mais dépendant de la police, entreprit de terroriser les criminels.

Comme on le découvre vite à la vision du film, il suffisait pour entrer dans cette catégorie de faire l’objet d’une délation. Et la meilleure manière pour les policiers du Commandement opérationnel de terroriser les criminels était d’en abattre le plus possible. C’est ainsi que des centaines de cadavres furent retrouvés dans les rues et les abords de Douala. On estime à 1 500 le nombre de victimes.

Osvalde Lewat donne d’abord la parole aux familles de celles-ci. On entend un père raconter comment son fils, arrêté pour une histoire de bouteille de gaz, a été exécuté sous ses yeux. On voit les notes désespérées envoyées par les détenus à leurs proches, leur demandant d’apporter les quelques dizaines de milliers de francs CFA qui leur permettront de racheter leur vie. Un survivant raconte l’incarcération dans des conditions ignobles, les négociations pipées avec les geôliers corrompus.

Tout ça suffirait à faire d’Une affaire de nègres un document édifiant et déprimant. Mais Osvalde Lewat n’a pas choisi son titre au hasard. Elle refuse aussi bien la condescendance des riches que la complaisance de ses concitoyens.

Les morts de Douala, qui n’ont pas vraiment mobilisé les grandes ONG des droits de l’homme, ont été aussi considérés par une majorité de Camerounais comme des dommages collatéraux inévitables. Très clairement, la réalisatrice montre que le Commandement opérationnel n’est pas seulement le produit d’un régime répressif et indifférent au sort de la population, mais qu’il a été aussi engendré par une société obsédée par l’argent, atomisée par la misère.

Au centre de ce film, il y a un témoignage atroce, celui d’un policier qui raconte comment il abattait des jeunes gens raflés, sans avoir même commencé à établir une éventuelle culpabilité. C’est un brave homme qui parle sur le seuil de sa case. La nuit venue, il continue son récit et se met à mimer les exécutions sommaires, replongeant dans la folie meurtrière pour le seul bénéfice de la caméra. Au hasard d’un entretien, Osvalde Lewat a plongé dans l’âme d’un bourreau, y entraînant les spectateurs, faisant d’Une affaire de nègres un film terrifiant.

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