Cameroun. Les premiers «éperviables» bientôt en liberté ?

 

Prison centrale de Kondengui

La saison des libérations va-t-elle s’ouvrir à partir de ce mois pour les personnalités ayant purgé leur peine ou qui tirent vers  la fin de leur aventure carcérale ? Sauf avis contraire motivé par la technique du rouleau compresseur, condamnés dans le cadre de l’opération épervier,  Titus Edzoa, Pierre Désiré Engo, Monchipou Seydou doivent progressivement recouvrer leur liberté cette année et les années suivantes.

Fin 2005, se fondant à la fois sur les classements – calamiteux pour le Cameroun – de l’Ong Transparency International et sur les enquêtes du Fbi à propos des réseaux de blanchiment d’argent, le diplomate américain Niels Marquardt somme les autorités camerounaises d’agir. Le Fmi et la Banque mondiale prennent aussitôt le relais. Ainsi va naître l’Opération Epervier, devenue un fourre-tout, entre criminels en col blanc et de vrais-faux coupables sur fond de règlements de comptes politiques.

L’Opération Epervier, louable au début, a été vite «camerounisée» pour «servir et valoir ce que de droit»… Ont-ils tous les mains sales ? Détenus en prévention longue durée ou condamnés définitifs, parfois on ne comprend pas trop pourquoi ils sont là. L’épuration est sans précédents dans les annales de la criminalité en col blanc au Cameroun.

La purge est inédite dans le registre de règlements de compte politique. Certains ont payé durement, allant jusqu’à perdre leur vie en taule comme le vieux Booto à Ngon, ancien ministre des Finances qui s’est soustrait ainsi au verdict de  40 ans de prison ;  Dieudonné Angoula incarcéré depuis plus de dix ans à la prison centrale de Kondengui où il purgeait une peine pour détournement de deniers publics au Minpostel ;  Hamidou Moutapon l’ex-chef service des infrastructures au ministère des Postes et télécommunications, décédé d’une crise cardiaque dans la cour de la prison de Kondengui. 

Pour autant, le soleil de la liberté aurait déjà pu pointer au firmament pour Titus Edzoa. Condamné à 15 ans de prison pour détournement de deniers publics en 1997, l’ancien ministre et ancien secrétaire général de la présidence de la République est encore incarcéré au Sed. Condamné le 3 octobre 1997 à 15 ans de prison ferme, l’ancien secrétaire général de la présidence de la République aura bientôt purgé l’intégralité de sa peine hier mercredi. En principe, il devrait recouvrer sa liberté ce 3 octobre. Mais il est urgent d’attendre, car nous assistons à ce que la presse a qualifié récemment  de « reprise totale du procès de Titus Edzoa ».

Il s’agit d’une autre procédure pénale introduite il y a 03 ans, pour une instruction vieille de 12 ans, selon la bonne vieille technique du rouleau compresseur. Edzoa avait décidé de quitter le gouvernement en 1997 avant d’annoncer sa candidature à la présidentielle de la même année. Faute lourde, décide-t-on. Jusqu’aujourd’hui il paye très chèrement son audace. En 2009, un second procès le visant s’est ouvert et de délibéré en délibéré,  Edzoa Titus n’est pas encore au bout de ses peines. Il risque une nouvelle peine de prison ferme. Ce qui le conduira sans doute à terminer un 3è septennat derrière les barreaux.

Quid de Pierre désiré Engo arrêté en 1999, condamné en 2002 à dix ans pour complicité de détournement de deniers publics, en principe, l’ancien ministre de l’économie et ancien patron de la Cnps aurait déjà du recouvrer sa liberté depuis…2010. Selon les observateurs, le procès intenté à M. Engo se situait dans un contexte politique particulier. On prêtait alors, révéla un journal à l’époque, «  l`intention à cet ancien responsable du parti au pouvoir de créer sa propre formation politique et d`envisager de se présenter comme candidat à l`élection présidentielle de 2004 contre le président Paul Biya». Engo était pourtant un homme sans problèmes jusqu’au jour où il lui était venue la mauvaise idée de créer la fondation «Paul Martin Samba», destinée à perpétuer la mémoire du grand résistant camerounais assassiné par la colonisation allemande au début du vingtième siècle. Le dynamisme de cette fondation, qui finit par faire de l’ombre à M. Biya dans son propre fief, devint un motif d’agacement pour le prince. La cascade de procès qui en résulte verra Pierre Désiré Engo accusé, condamné à 10 et 15 ans de prison ferme pour détournements de fonds. Fort probablement que ce gentil bonus carcéral va être consommé…2015. 

Tentative d’évasion aggravée

En 2003, le tribunal de grande instance avait prononcé une peine de  20 ans de prison contre Monchipou Seydou détenu à la maison d’arrêt de Kondengui depuis septembre 1999. Ce dernier saisira la Cour d’appel du Centre qui après plusieurs péripéties, va réduire la peine de 5 ans le 27 juin 2006. Logiquement, l’ex-ministre des Postes  pourrait goûter aux délices de la liberté dans …3 ans. Pour le reste,  “le gouvernement de Kondengui” a encore de longues très longues années à passer derrière les barreaux, sauf libération conditionnelle découlant du Tribunal criminel spécial.

Il s’agit de  Gilles Roger Belinga, ancien directeur général de la Sic (Société Immobilière du Cameroun). Il a été arrêté le 21 février 2006. Détenu à la prison de Kondengui, il a été condamné le 27 septembre 2007 à 35 ans de prison, pour corruption et détournement de fond publics, environ 4 milliards de Fcfa. Il pourra sortir en 2041. Quant à Emmanuel Gérard Ondo Ndong l’ex-directeur général du Feicom  arrêté le 21 février 2006 et condamné le 28 juin 2007 à 50 ans de prison, pour corruption et détournement de fond publics il s’en est tiré en appel avec 20 ans. 

Tandis que Joseph Edou l’ex-directeur général du Cfc (Crédit foncier du Cameroun), arrêté le 21 février 2006, est condamné le 11 juillet 2008  à 40 ans de prison, pour corruption et détournement de fond publics. Moins chanceux, Alphonse Siyam Siwé ancien-ministre de l’Eau et de l’énergie, arrêté le 24 février 2006 au sortir du gouvernement, condamné à la prison à vie par la Cour d’appel  du Littoral le 15 juin 2009, pour détournement de deniers publics au Port autonome de Douala, il passerait sa vie en prison. Moins connu est le cas de Paulin Abono Moampamb ancien secrétaire d’Etat aux Travaux publics, Maire de Yokadouma. Arrêté le 13 mars 2008, il a été condamné à 30 ans de prison pour détournement de deniers publics.

Sont toujours en attente de jugement, Urbain Olanguena  Awono, ancien ministre de la Santé publique arrêté le 31 mars 2008,  Polycarpe Abah Abah qui occupait le poste de ministre de l’Economie et des finances,  Jean-Marie Atangana Mebara, ex-Ministre d’Etat et secrétaire général de la présidence, ministre de l’Enseignement supérieur, ministre des Affaires étrangères, Inoni Ephraïm Premier ministre, secrétaire général adjoint de la présidence de la République en détention préventive à la prison centrale de Kondengui depuis le 16 avril 2012. 

Notons que l’ancien argentier Abah Abah en détention préventive longue durée est ‘bénéficiaire’ d’une  peine de 6 ans de prison pour…tentative d’évasion aggravée. La liste n’est pas exhaustive…

Edouard Kingue

 

 

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