Bahreïn, l’insurrection dont l’Occident ne parle pas

 

Manifestations au Bahreïn

Depuis le début du soulèvement populaire des Bahreïnis, le régime des Al-e Khalifa n’a hésité à commettre aucun crime, pour réprimer les contestataires, dans l’indifférence la plus totale et le silence assourdissant de l’Occident.

Certains journalistes courageusement infiltrés en ont rapporté des reportages édifiants, l’Occident ne peut donc pas dire qu’il ne sait pas.

Comme dans la plupart des régimes autoritaires, on peut ne rien voir : certains quartiers de la capitale, Manama, sont d’un calme absolu. Les centres commerciaux, les quartiers d’affaires et la partie sud du pays, livrée au désert et à l’industrie pétrolière, sont conformes à la représentation que le régime cherche à donner du royaume. Par l’imposant pont qui relie Bahreïn à l’Arabie saoudite, des Saoudiens rejoignent les boutiques et les cabarets de l’île.

Mais on ne peut ignorer les graffitis hostiles au régime, qui ornent les murs du pays. S’y écrit, en arabe, (parfois en anglais), une opposition radicale, à l’égard du régime, et, en particulier, du roi, Hamad ben Issa al-e Khalifa, et de son Premier ministre et oncle, Khalifa ben Salman al-e Khalifa, en poste depuis… 1971.

Des inscriptions exigent la libération des prisonniers d’opinion, soumis aux mauvais traitements, voire, à la torture. «Nous reviendrons», peut-on lire, sous un des desseins représentant le monument de la place de la Perle, haut lieu de la contestation, que le régime a détruit, en mars 2011, sans réussir à assassiner la mémoire.

Ces traces muettes de la rébellion, visibles au cœur de la capitale, mais aussi, sur les murs de nombreux villages du pays, indiquent l’ampleur et le caractère ininterrompu du mouvement. Les autorités ne parviennent pas à recouvrir, entièrement, les graffitis, ils disent la contestation, mais aussi, la répression.

Les grandes manifestations orchestrées par le mouvement Al-Wefaq, comme celles du 9 mars, du 31 août et du 7 septembre, ont réuni plusieurs dizaines de milliers de personnes, dans un pays qui compte environ 560.000 nationaux.

La contestation bahreïnie n’est pas seulement un mouvement du «printemps arabe». Si elle s’est appuyée sur les exemples tunisien et égyptien qui l’ont renforcée, elle fut précédée d’épisodes protestataires, en 1994 et 1998. En août et septembre 2010, plusieurs mois avant l’immolation de Mohammed Bouazizi à Sidi Bouzid, des troubles ont été réprimés.

La rente énergétique, distribuée de façon très inégalitaire, parmi les nationaux, (qui représentent une part plus importante de la population que dans les pays voisins du Golfe) est, sans doute, un des moteurs de la rébellion.

Nombreux sont ceux qui, au sein de la communauté chiite, se plaignent de discriminations. Il faut, néanmoins, sortir d’une lecture confessionnelle du conflit et accepter d’y voir autre chose qu’une manipulation iranienne, comme on peut l’entendre.

La dégradation du niveau de vie, liée à la baisse des ressources pétrolières et aux déceptions générées par les faux-semblants du processus de démocratisation, engagé, en 1999, complique le tableau.

Protégé par l’Arabie saoudite et allié des Etats-Unis, on ne voit pas ce qui pourrait inciter le régime à changer sa politique. L’attention des médias et surtout des dirigeants étrangers, pour Bahreïn, est flottante. Peu de chefs d’Etat ont osé défier le roi. Sa majesté a même été reçue au palais de l’Elysée, par François Hollande, le 23 juillet. Si rien ne bouge, à Bahreïn, le changement, ce n’est pas maintenant.

Mais la violence avec laquelle le régime traite les enfants et les adolescents est, sans doute, plus grave, et est devenue le symbole de la cruauté du régime qui arrête et passe, systématiquement, à l’interrogatoire, les enfants.

Bahreïn a signé la Convention internationale des droits des enfants, en 1991, pourtant, de très nombreux indices et documents prouvent que le régime des Al-e Khalifa, non seulement, ne respecte aucunement ses engagements, mais encore, qu’il a violé, à maintes reprises, les termes de cette convention, durant ces derniers mois. Le centre bahreïni des Droits de l’Homme a protesté plusieurs fois contre le mauvais traitement des enfants, leur arrestation et leur jugement devant un tribunal, et a demandé à la communauté internationale de réagir, efficacement, contre ces actes cruels du régime, à l’encontre des enfants.

Pourtant, les soi-disant défenseurs des droits de l’Homme ont préféré plutôt défendre les positions du régime bahreïni, au lieu de défendre les enfants de Bahreïn.

En effet, lors de la réunion du Conseil des droits de l’Homme de l’ONU, qui examinait le dossier de Bahreïn, les pays membres se sont contentés, uniquement, de conseiller au gouvernement de Manama de respecter davantage les droits de ses citoyens.

En tout état de cause, se sentant immunisé par l’inertie complice des organisations internationales, le régime des Al-e Khalifa continue, en toute impunité, à réprimer les contestataires. Pourtant, une chose est certaine, c’est que les crimes que le régime commet, rend les Bahreïnis plus déterminés que jamais à réformer la structure politique de leur pays.

 

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