Terrorisme. Quand les jeux de rôles s’inversent

Terrorisme

En ce siècle déjà bien engagé dans sa course effrénée, on s’aperçoit que les notions les plus radicales, telles que celle du terrorisme, par exemple, échappent à toute définition concrète. Chacun les entend comme bon lui semble selon que l’optique adoptée serve ou non ses intérêts.

Or, comme toute thèse exige une illustration proportionnelle à son acabit, force est de retomber dans la redondance en pointant du doigt les USA.

Je suis redondante, certes, dans mes références, mais l’Empire Outre-Atlantique ne l’est pas moins dans l’emploi obstinée d’une seule et même tactique … efficace, que diable ! Ses expressions sont aussi pluridimensionnelles qu’elles sont faciles à conceptualiser.

En voici le schéma : une puissance qui a l’habitude de s’en sortir aux dépens d’autrui se choisit une cible. Cette cible a ses côtés faibles que ladite puissance étudie en profondeur. Elle commence alors à jouer dessus, en introduisant subrepticement des provocateurs bien formés en la matière et qui sont, dans la plupart des cas, des autochtones, c’est-à-dire des gens qui ne devraient susciter aucun soupçon.

Les provocations dégénèrent en actes terroristes, ceux-ci, de fil en aiguille, en guerre civile. C’est là que les gendarmes du monde arborent le drapeau de la liberté, des droits de l’homme, des principes démocratiques et patati, et patata. Grossièrement parlant, on en a soupé de cette rhétorique nauséeuse, longtemps déguisée en paranoïa aigue exhibée à des fins préventives.

La tendance a déjà été lancée durant les années Vietnam, elle a longuement été retenue, réprimée de toute force par cette force d’endiguement archi-efficace qu’était le Titan soviétique. En 1991, lorsque l’ennemi de dissuasion (qui était aussi, en partie, un ennemi de simulation) tomba sous le joug de ses propres erreurs et qu’il n’en resta que des bribes disparates, le géant étasunien comprit vite et bien où se trouvait ses nouveaux centres d’intérêt, la Russie, amputée de tout côté, n’étant alors qu’un petit bout de rien gardé pour le dessert et dont les USA croyait à l’époque ne faire qu’une bouchée. Ces centres d’approvisionnement – car je ne saurais les appeler autrement – c’était et ce sont toujours, de plus belle, les pays du Proche-Orient, même si la Serbie et le Kosovo y sont passés eux aussi avec des résultats qui donnent la chaire de poule.

L’OTAN en est sorti tête haute, auréolé de la gloire du libérateur, quant au pays, il devint ce que M. Edward S. Herman, économiste et analyste des médias de renommée internationale, a qualifié d’Etat raté, formule applicable, en l’occurrence, à un état démantelé, victime d’un nettoyage ethnique proche (pour le moins) du génocide.

J’aurais d’ailleurs dû commencer par l’Afghanistan, campagne entamée à la fin des années 80 avec un Ben Laden alors tenu à la laisse. Au tour ensuite du Pakistan, du Somalie, de l’Irak avec un président pendu et dont la pendaison, tellement applaudie par les USA, sera diffusée sur un grand nombre de chaînes officielles, au tour du Congo, de la Libye … là encore, un nouveau dictateur au cou tordu, martyrisé par des opposants qui jusque là n’avait nulle envie particulière de lui administrer les traitements féroces qu’il eut à subir peu avant de succomber. Derechef, implacable, éhontée, la même rhétorique manichéenne : d’un côté des usurpateurs et (ou) des terroristes, de l’autre, Washington le libérateur, étendard blanc noblement brandi.

Les mobiles et la lie qui reste des interventions – du vinaigre pur – vous les connaissez aussi bien que moi. C’est en somme de cette dialectique aussi primitive que le sont les jeux vidéo américains qu’est né le terroriste par excellence : terroriste musulman apparenté au barbouze des hautes montagnes ou des contrées battues par les sables. Ce dernier est aussi contestable dans son statut macabre que l’étaient Mrs. Milosevic, Hussein ou Kadhafi dans leur hypostase de tyrans sanguinaires.

Dans le premiers cas, par élargissement de sens, on pourrait presque solidariser avec les allemands du III Reich affirmant que Jean Moulin était un terroriste invétéré bon pour le gibet. Dans le deuxième cas, jouant sur la notion de tyrannie, on aurait pu regretter que Staline, tyrannique, bien entendu, aurait dû lui aussi être liquidé … sans considérer le bien qu’il a fait au pays, bien que, c’est cent fois vrai, celui-ci ait été fait à un prix infiniment cruel. Je présente des analogies, bien entendu, approximatives, mais qui reflètent bien les excès interprétatifs de certaines notions sciemment dénaturées.

Quoi qu’il en soit, toute action, tôt ou tard, provoque une réaction. Celle qui à ce jour s’annonce flagrante rappelle l’effet ricochet et s’étend progressivement à la superficie de la France où il devient presque honteux de se faire traiter de gaulois !

Pourquoi la France ? Pourquoi la Vieille Europe, serait-on tenté de s’exclamer ? Et bien, parce qu’amalgame est faite et continue à se faire entre USA et Occident lato sensu, entre judéo-christianisme et la double politique que mène en ce moment les USA et Israel. Une interview récemment parue dans Le Figaro transmet bien les inquiétudes de M. Prasquier, président du Crif (Conseil représentatif des institutions juives) qui évoque une radicalisation de l’islam en France doublé d’une sorte de racisme à l’envers qui fait que les français de souche, juifs ou non, sont régulièrement exposés à la malveillance guerrière de certaines mouvances fondamentalistes hostiles aux principes d’un pays qui est aussi le leur !

Le même constat a été formulé par Manuel Valls, ministre de l’Intérieur, qui sans équivoque avance la thèse selon laquelle il existe maintenant, en France, un « terrorisme interne » devenu inhérent au quotidien. Jean-Louis Bruguière, juge anti-terroriste, membre de l’UMP, confirme lesdites observations en précisant que les réseaux terroristes implantés sur le sol français sont bel et bien franco-français, qu’ils ne sont pas issus, contrairement à ce que l’on aurait pu penser et espérer, de l’étranger. En revanche, ajouterais-je à la suite de M. Haroche, maître de conférences à Paris I Sorbonne, sciences politiques, membre du club Changer la gauche, les racines profondes de ces réseaux sont une importation de problèmes qu’il estime étrangers à la France. Je lui donne la parole :

La Voix de la Russie. On parle de plus en plus souvent, en France, de racisme anti-blanc, anti-français. Il s’agit d’un phénomène devenu particulièrement notable après l’attentat orchestré par Mohammed Merah. Pensez-vous que le racisme à l’envers est une réalité avérée ?

M. Pierre Haroche. D’abord, je ne ferais pas spécialement le lien avec l’affaire de Mohammed Merah parce que, dans cette affaire, les victimes étaient avant tout des militaires qui avaient été visés parce qu’ils étaient des militaires ! D’ailleurs, il y en avait plusieurs qui étaient d’origine algérienne ou marocaine. Et, d’autre part, des enfants d’une école de confession juive qui avaient été visés pour cette raison … parce que, dans l’esprit du tueur, ils avaient un lien avec Israël. Donc, c’était une question politique qui visait des militaires français pour des raisons de politique internationale de la France et des gens de confession juive, par antisémitisme et par lien avec Israël (…). Pas de racisme anti-blanc dans l’affaire Merah !

Ce qu’on évoque aujourd’hui quand on parle de racisme anti-blanc, autour du livre de Jean-François Copé notamment qui essaye de faire parler de lui parce qu’il veut accéder à la tête du parti de droite UMP, c’est un phénomène qui est différent … et même, il ne parle pas de terrorisme dans le contexte du racisme anti-blanc, mais d’évènements qui l’ont popularisés mettant en scène des musulmans qui disent : « un musulman ne doit pas manger de pains chocolat pendant le Ramadan » … voilà le type d’évènements qu’il dénonce comme exemple lorsqu’il parle de racisme anti-blanc.

Vous voyez bien que c’est quelque chose qui n’a rien à voir avec le terrorisme. Savoir si cela a une certaine réalité en France aujourd’hui, je pense que oui, parce que, malheureusement, il existe toutes formes de racisme dans la société française et que ce n’est pas le monopole d’une partie de la population. Maintenant, la question est de savoir si c’est un phénomène très important, très prégnant, croissant. Je pense qu’il s’agit d’une réalité très localisée.

D’ailleurs Jean-François Copé lui-même dans son livre parle d’un phénomène qui touche essentiellement certains quartiers, certaines banlieues où il y a un fort taux d’insécurité et où il y a un très grand nombre de population d’origine étrangère, etc. C’est là que l’on peut observer des agressions verbales ou physiques qui sont en effet motivées par un racisme anti-blanc. Ainsi donc, ce n’est pas quelque chose qui touche une grande partie des français sur tout le territoire (…).

Cela ne signifie pas qu’il n’y a pas de gens qui en souffrent mais le problème est tout de même tout à fait localisé. Ainsi est-il important de faire la distinction entre ce qui vient d’être dit et la question du terrorisme du type Mohamed Merah qui doit être interprété comme un terrorisme islamiste d’une façon générale, que ce soit en France ou à l’étranger (…) et qui se rattache à une façon particulière d’importer sur le territoire des problèmes de politique étrangère … notamment les questions du Proche-Orient.

La Voix de la Russie. Croyez-vous que ce phénomène d’insécurité locale pourrait finir par se généraliser ou y a-t-il des chances qu’il soit tôt ou tard réprimé ?

M. Pierre Haroche. Etre réprimé, je ne sais pas, parce que j’ignore quelle sera l’évolution de la société française dans le futur. L’enjeu est lié à des difficultés d’assimilation, d’intégration des populations d’origine étrangère dans des conditions qui sont matériellement compliqués : fort chômage, trafic de drogues, insécurité … Et il peut donc y avoir des réactions communautaires, des réactions de regroupement qui se réunissent sous une égide idéologique contre la population majoritaire de la France. Savoir si ça va se résorber dans le futur, je ne sais pas. En revanche, ce n’est pas quelque chose de massif qui aurait débarqué dans la vie de tous les jours de la majorité des français.

Cette intervention de M. Haroche me paraît tacitement contradictoire … peut-être en vertu de son extrême souplesse, voire de son côté un brin évasif. Cela se comprend, j’aurais moi-même nuancé mes propos fussé-je journaliste ou professeur travaillant en France. Néanmoins, le fait est que l’idéologie localement oppositionnaire qu’a évoqué notre expert est déjà en soi un phénomène anormal dans un pays tel que la France qui n’est sans doute pas la Belgique, mais qui n’est pas non plus la Russie de par sa superficie.

L’antisémitisme auquel se réfère dans sa réponse M. Haroche est également une forme de racisme anti-blanc dans la mesure où la France est, a toujours été un pays ancré dans son héritage judéo-chrétien et que le christianisme, à la base, ne va pas sans le judaïsme.

Idem pour la question des militaires abattus par Merah et qui incarnaient dans l’esprit certes dérangé du meurtrier la politique internationale de la France. On ne puit non plus passer outre aux tracas de Jean-François Copé qui ne se résument pas certainement pas à une histoire de « pain au chocolat » dégusté pendant la période du Ramadan, aux injures bestiales rapportées en toute fidélité par M. Prasquier et associant les chrétiens à des « fils de porcs » et non pas à des mangeurs de viennoiseries chocolatées !

En conclusion, je dirais que le racisme intra-français et anti-français décrit par M. Copé dans son livre récemment paru décrit une certaine inversion du jeu de rôles orchestré par les USA et dont la France, qui n’aurait jamais dû rentrer dans l’OTAN, doit payer les frais au prix de sa peau. L’invention parasitaire du terroriste musulman sur les territoires du Proche-Orient a conduit à sa matérialisation réelle dans les pays européens, la France étant l’une des premières concernées. Quels pronostics prévoir ? Qui vivra verra.

Françoise Compoint

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