France a envisagé sa sortie de la zone euro

François Baroin

L’ancien ministre des Finances confirme que la France a envisagé sa sortie de la zone euro

L’ancien ministre des Finances français François Baroin a confirmé que pendant la dernière crise financière européenne qui fit tomber les gouvernements grec et italien, les responsables français ont tiré des plans en vue d’une sortie de la Grèce, de l’Italie et de la France elle-même de la zone euro. A l’époque, les responsables européens avaient nié toute discussion sur une sortie de la zone euro de la part d’un quelconque pays européen.

On peut lire ces révélations dans des critiques du livre de Baroin Journal de crise précédant sa parution, et où celui-ci traite de la période allant de 2010 à 2012 où il était ministre du Budget, puis des Finances dans le gouvernement du président conservateur Nicolas Sarkozy. Son récit révèle comment les principales puissances impérialistes ont sans ménagement et de façon non démocratique, fait tomber des gouvernements pour imposer des coupes sociales impopulaires et il décrit les énormes tensions internationales se développant en Europe.

Baroin raconte la réunion tendue du G20, le 3 novembre 2011 à Cannes, en France. A l’époque, le premier ministre grec George Papandreou venait d’appeler en Grèce à un referendum sur de nouvelles mesures d’austérité dictées par l’UE (Union européenne). Le président américain Barak Obama, la chancelière allemande Angela Merkel et Sarkozy ont exigé alors de Papandréou qu’il « s’explique ».

Sarkozy Merkel PapandréouBaroin écrit, « Commence alors un bras de fer avec Papandréou, assisté de son ministre des Finances. Sarkozy lance au Premier ministre grec : “On te le dit clairement, si tu fais ce référendum, il n’y aura pas de plan de sauvetage.” Papandréou fait mine de ne pas comprendre. Avec un regard d’acier, Merkel lui redit la même chose de façon très ferme…. [Papandréou] transpire de plus en plus, vacille dans ses propos, puis s’effondre. Acculé, il n’a pas d’autre choix que de se prononcer en faveur ou non de l’euro. Il comprend qu’il ne pourra pas échapper à cette question en la soumettant à son peuple. J’assiste à sa mort politique en direct. »

Washington, Berlin, et Paris sont intervenus et ont insisté pour que Papandréou ne puisse même pas avoir la feuille de vigne d’un referendum pour justifier ses mesures d’austérité impopulaires. Si le referendum avait lieu, avec le risque d’un rejet populaire de la politique économique de la bourgeoisie européenne, l’UE et le FMI s’en mêleraient. Ils couperaient l’accès au crédit de la Grèce, forçant Athènes soit à accepter une banqueroute d’Etat soit à commencer à imprimer sa propre monnaie pour se financer, sortant ainsi de l’Euro.

De plus, peu de temps avant cette réunion, Papandréou avait licencié l’ensemble de la direction des forces armées grecques. Ce qui entraîna le soupçon, largement partagé, que l’armée grecque dont les liens avec les agences de renseignement américaines remontent à la guerre civile grecque de 1946-1949 et à la junte militaire soutenue par la CIA en 1967, avait envisagé de faire un coup d ‘Etat après l’annonce du referendum. (Voir : Obama et l’OTAN complotent-ils un coup d’Etat militaire en Grèce?) Une semaine plus tard, Papandréou était remplacé par un nouveau premier ministre, Lucas Papademos.

Le meeting se préoccupa ensuite d’obtenir le départ du premier ministre italien Silvio Berlusconi. L’Italie était trop importante pour qu’on la traite comme la Grèce: la menacer de faillite étatique risquait de faire sombrer le système financier sous le poids des créances irrécouvrables. Baroin note à ce propos: « Si l’Italie plonge, tout le monde plonge. L’Italie, c’est vraiment trop gros. C’est la huitième économie du monde. L’euro n’y résisterait pas. »

Crise Européene

Le tableau ci-dessus montre le niveau d’exposition des banques d’un certain nombre de pays à la dette en Grèce, au Portugal, en Espagne et en Italie (n.d.t.)

En conséquence de quoi, la classe dirigeante chercha à installer un nouveau gouvernement plus étroitement aligné sur les exigences des marchés internationaux. Baroin écrit « Berlusconi non plus ne semble pas vouloir comprendre ni admettre que le problème de l’Italie, c’est lui. Sans le dire aussi explicitement, le message est extrêmement clair – tous les protagonistes le laissent entendre. On obtient de Berlusconi que le FMI puisse effectuer une forme de contrôle sur les comptes publics. L’Italie est fière. Nous savions parfaitement qu’une fois de retour chez lui, Berlusconi ne pouvait pas tenir longtemps. »>

BerlusconiCinq jours plus tard, Berlusconi annonçait qu’il démissionnerait après avoir fait passer un dernier train de coupes sociales par le parlement italien. Il installa un soi-disant « gouvernement technocratique » en Italie qui a imposé vague après vague de coupes sociales.

Baroin préparait également un groupe d’Etudes secret afin d’organiser la préparation de « l’Hypothèse la plus sombre de notre histoire économique moderne » – une sortie potentielle de l’euro par la France. A l’époque, écrit-il « L’Union européenne [était] dans une cyclone, l’euro attaqué de toutes parts … Le pire [était] la sortie de la Grèce de l’euro, un effet de contamination, une théorie des dominos qui entraînerait de facto la sortie de la France. »

Le récit de Baroin souligne la banqueroute du capitalisme européen alors que l’acrobatie politique et financière au moyen de laquelle il exécute des mesures d’austérité dévastatrices pour la population sape plus encore les fondations institutionnelles chancelantes de l’Europe bourgeoise.

Ces tensions sont apparues au grand jour au printemps de 2010, à la suite de fortes divisions entre Berlin et Paris à propos de l’opposition de l’Allemagne à un premier train de mesures de renflouement destiné à rembourser les banques détenant de la dette grecque. Le directeur alors de la Banque centrale européenne (BCE), Jean-claude Trichet, fit le commentaire que la politique européenne était confrontée à ses tensions les plus graves depuis la deuxième Guerre mondiale. (Voir : Le retour du spectre de la catastrophe)

Comme on l’a noté à l’époque, la préservation de l’Euro est pour l’impérialisme européen non seulement une question financière mais aussi une question de la régulation des conflits internationaux potentiellement explosifs au sein de l’Europe, conflits qui ont deux fois au cours du XXe siècle conduit à une guerre mondiale.

Le quotidien allemand Süddeutsche Zeitung a avancé le scénario suivant pour un effondrement de l’euro : « L’union européenne s’effondre, alors que sa fixation la plus importante, la monnaie commune, se désintègre. Vingt-sept Etats nations sont à nouveau en lutte pour les marchés. L’Allemagne, en tant que pays le plus important et possédant une structure industrielle saine, se fait des ennemis, et se voit éventuellement boycottée : le spectre de la ’puissance hégémonique ‘ reprend vie. »

Ces deux dernières années le marasme économique et les luttes pour les marchés au sein de l’Europe n’ont fait que s’aggraver et l’euro ne s’est maintenu que grâce à des injections d’argent par billions de la part de la BCE et destinées à calmer des paniques financières récurrentes. Les commentaires de Baroin indiquent que la bourgeoisie de chaque pays européen prépare les mesures les plus extrêmes et les plus brutales pour étendre sa richesse aux dépens de la classe ouvrière et de ses rivaux au plan international.

Alex Lantier

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