Tidjani est quasiment au bord des larmes au moment où il est abordé par le reporter du Messager. A l’instar des centaines autres fidèles musulmans assis à même le sol, il a dû affronter dans la nuit le vent sec et les piqûres d’insectes. « On nous a laissé ici. Il n’y a ni eau, ni toilettes. Tout le monde se débrouille comme il peut à l’air libre. Aucun rendez-vous fiable sur l’heure de départ n’a été donné », révèle Issa. En provenance de Ngaoundéré, ce fils d’Allah remercie le ciel de n’avoir pas été agressé.
En effet, le courroux était à son comble hier matin, 1er novembre 2009, à l’aéroport international de Garoua. 350 candidats au pèlerinage 2009 y ont passé la nuit à la belle étoile. La centaine d’autres a dû trouver refuge qui chez des amis, qui dans un auberge de la place. D’après quelques témoignages recueillis auprès d’eux, la commission nationale en charge de leur embarquement pour la ville sainte (Médine à la Mecque) semble être détournée de ses responsabilités. Ce qui énerve le plus est qu’aucun détail sur le départ manqué n’est avancé. D’abord programmé pour 01h du matin, puis 14h et 19h, l’avion supposé transporter les pèlerins n’est pas présent à l’aéroport. Si l’on en croit une source bien introduite, des contrats avec les compagnies de transport (portugaise et espagnole) ont été annulés faute d’agent. Une hypothèse somme toute paradoxale, de l’avis de Younoussa Adoullah pour qui « chaque pèlerin a déboursé près de 2 000 000 Fcfa pour ce voyage(…)Le coût du transport aérien entre le Cameroun et les lieux saints chiffré à 1.092.000Fcfa reste l’un des plus chers d’Afrique. Au vu de ce désordre planifié qui ne tient compte d’aucun droit élémentaire de la personne humaine, ce sont toutes les dispositions de la charte des Nations unies sur les droits de l’Homme qui sont bafouées. ».
Le représentant de l’association Sos Droit de l’homme et démocratie pour l’Adamaoua va plus loin. Son communiqué de presse adressé aux médias ne fait pas dans la langue de bois : « Que pouvait-on attendre d’un organe de l’Etat infiltré par une mafia qui ne dit pas son nom, qui est à la fois coordonnateur, superviseur et organisateur gestionnaire d’un fonds privé appartenant à une communauté religieuse. Ce groupe de fonctionnaires agit à sa guise pour gérer une manne de plus de cinq milliards par an sans aucun mécanisme de contrôle, une gestion tant décriée par la société civile ». A l’en croire, les fiascos à n’en plus finir de la commission nationale du Hadj se résument en la recherche du gain. Un état de chose que le syndicaliste qualifie d’insultant. « Tellement les agissements invraisemblables de la commission nationale sont surprenants et manquent de respect vis-à-vis de la communauté musulmane », assène Younoussa Adoullah.
L’année dernière, outre le fameux crash manqué, le désir d’accomplir le cinquième pilier de l’islam avait fait un mort. Au point où la sinistrose s’est emparée des fidèles musulmans camerounais. Ceux-ci ont tendance à effectuer le déplacement à partir des pays étrangers comme le Sénégal, le Togo ou encore la Côte-d’ivoire. C’est du moins ce qui explique la baisse des statistiques. L’on est passé de 3500 pèlerins à 2050 cette année.