Assises d’Abidjan : le ministre de la justice fait des éclairages sur le cas Simone Gbagbo

Les Assises d’Abidjan s’ouvriront le mercredi 22 octobre pour analyser les dossiers de 89 personnes poursuivies pour des faits d’atteinte à la sûreté de l’Etat dont celui de l’ex-Première Dame Simone Gbagbo sur lequel le Garde des Sceaux, ministre de la justice, des Droits de l’Homme et des Libertés publiques, Mamadou Gnénéma Coulibaly fait des éclairages dans un entretien accordé à APA.
APA : Monsieur le ministre, pour quels chefs d’accusation comparaissent Mme Simone Gbagbo et les autres devant la Cour d’Assises d’Abidjan qui s’ouvre le 22 octobre prochain ?

Je me réjouis que l’appareil judiciaire ait entendu notre souhait de faire organiser, dans les délais, les procès liés à la crise post-électorale. C’est le 22 octobre prochain l’ouverture des assises d’Abidjan au cours desquelles beaucoup de dossiers seront analysés dont celui de l’ex-première dame et d’autres personnes poursuivies pour des faits d’atteinte à la sûreté de l’Etat. Les assises, c’est un processus qui commence par le tirage au sort des jurés et bien d’autres formalités à remplir dont l’interrogatoire des accusés avant la tenue effective du procès.

Le procès qui va s’ouvrir incessamment porte sur des faits d’atteinte à la sûreté de l’Etat. Il faut préciser que Mme Gbagbo fait l’objet de plusieurs procédures. Et que le dossier qui est en état d’être jugé, présentement, c’est celui qui est relatif à l’atteinte à la sûreté de l’Etat. Les faits qui portent sur les crimes de sang et génocide pour lesquels elle est poursuivie par ailleurs, feront l’objet d’un autre procès, très bientôt, le dossier étant bien avancé.

APA : Ce procès n’a-t-il pas l’air d’un procès politique visant à éliminer des adversaires politiques pour les élections à venir, notamment, la présidentielle 2015 vu la qualité des personnes poursuivies ?

Nous ne jugeons pas des qualités, nous jugeons des faits. Si un politique commet des faits susceptibles de poursuites pénales, il n’est pas compréhensible qu’on ne fasse pas de procédures. De 2011 à aujourd’hui, nous avons pu faire des procédures. Nous avons pris le temps de nous organiser car les assises nécessitent beaucoup de moyens pour le paiement des jurés, des témoins… Heureusement, l’Etat a dégagé les moyens de pouvoir tenir les assises.

Nous avons un dossier en l’état, nous avons les moyens de faire la procédure, il n’y a pas de raisons que nous remettions le procès. C’est vrai, il y a une échéance évidente pour le politique mais pour le judiciaire, la vie continue. Mis en liberté provisoire pour certains, ils avaient conscience qu’ils seraient jugés, et pour d’autres qui sont encore en détention, ils attendent, désespérément d’être jugés. 

Faut-il retarder ce procès pendant que certains sont détenus et qu’ils ont besoin de savoir si les faits qui leur sont reprochés sont établis afin qu’ils purgent leur peine ou qu’ils bénéficient aussi de la fin de la détention ? Nous, animateurs de l’appareil judiciaire, n’avons pas à nous préoccuper des situations qui seraient du domaine de la politique. 

APA : Une organisation de défense de droits de l’homme a dénoncé la composition du jury à majorité, des personnes du Nord ivoirien, qui ne respecte pas la diversité ethnique où également, un juré est suspecté d’être l’un de vos proches, toute chose qui pourrait mettre en cause la crédibilité du procès…

En droit, ce sont les personnes mises en cause qui peuvent se prévaloir ou non du refus de se faire assister ou juger par un juré. Moi, je ne suis pas accusé donc il n’y a pas de souci qu’une personne que je connaisse d’une relation ou d’une autre puisse être membre du jury. Le processus de désignation des jurés est un long processus qui commence par la désignation par les autorités administratives, des personnalités qui dans leur ressort territoriale sont susceptibles de participer aux débats juridiques. 

Lorsqu’une session doit commencer, on fait un tirage au sort. Je rappelle qu’il y a déjà eu une session d’assises que la Cour d’Appel d’Abidjan a tenue avec les mêmes jurés. D’où vient le problème que pour cette session, l’on invoque une proximité d’un juré avec le Garde des Sceaux ? N’a-t-il pas fait convenablement son travail par le passé ? Je pense qu’il faut que l’on sorte de ces bassesses pour aller à l’objectivité. S’il n’a pas les aptitudes, ils ont le droit de le récuser et s’ils le récusent, personne ne s’en plaindrait parce que c’est la loi qui le prévoit (…).On sait comment on est sorti de la crise. 

A un moment donné, beaucoup n’ont pas pris part aux actions de l’Etat donc quand on faisait l’appel aux candidats pour être jurés, ils n’ont pas senti l’intérêt ou la nécessité de se présenter pour être juré. 

Aujourd’hui où les listes des jurés sont proposées où il y a un tirage au sort auquel je n’ai pas participé, je pense qu’il n’est pas très sain de mettre en cause l’honorabilité d’un juré parce qu’il aurait une quelconque relation avec le Garde des Sceaux. C’est une personnalité qui a son autonomie, son indépendance et son opinion et qui a postulé pour être juré.

APA : Monsieur le ministre, pourquoi la Côte d’Ivoire s’est obstinée à faire juger Mme Simone Gbagbo ici alors que le pays a été coopératif pour transférer l’ancien chef de l’Etat, Laurent Gbagbo et M. Charles Blé Goudé à la Cour pénale internationale ?

C’est simplement une question de chronologie des actes judiciaires. L’ancien chef de l’Etat Laurent Gbagbo a fait l’objet d’un mandat d’arrêt dès la sortie de crise. Vous convenez avec moi qu’en 2011, la justice était déstructurée et que nous n’avions pas les moyens de faire des investigations encore moins de conduire des procès.

Le mandat d’arrêt a été décerné par une juridiction dite de subsidiarité et nous avons accédé parce que nous n’étions pas capables, en 2011, de conduire les investigations. Dans la même période de fin 2011, un mandat d’arrêt avait été lancé contre Blé Goudé.

Au regard de l’antériorité du mandat d’arrêt de la CPI, sur le cas Blé Goudé, nous avons, également, décidé de concéder cette antériorité et de permettre de le juger. Par contre, relativement, à Mme Simone Gbagbo, son mandat de dépôt d’avril 2011 a fait l’objet de poursuites en Côte d’Ivoireantérieurement. 

L’ayant sous nos mains, nous avions déjà commencé les enquêtes, les investigations dont l’une des procédures débouche sur les assises qui s’ouvrent bientôt. L’ouverture des prochaines assises d’Abidjan tout comme les assises qui ont déjà eu lieu au cours de cette année 2014 démontre clairement que notre appareil judiciaire est àmesure de conduire des assises.

Il y a eu des assises à Abidjan, à Abengourou, à Korhogo, à Gagnoa, à Bouaké, à Man…, toute chose qui conforte l’idée que la justice ivoirienne est totalement opérationnelle. Ayant donc posé les actes en premier lieu dans le cas Simone Gbagbo, la justice ivoirienne a réclamé le droit de pouvoir achever les procédures qu’elle a initiées. 

C’est ce que nous avons demandé à la CPI et nous sommes sur cette position pour la juger pour les faits dont elle est poursuivie par la CPI qui sont également l’objet de poursuites en Côte d’Ivoire tout comme pour d’autres faits pour lesquels elle est poursuivie en Côte d’Ivoire et non devant la CPI dont ceux d’atteinte à la sûreté de l’Etat.

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