Boko Haram : la France mord la poussière face au Cameroun et évalue ses options

Les accords de défense initiée autour des années 60 disposent selon Jean-Paul Pougala que le sol, sous-sol des pays africains francophones appartient carrément à la France, accords auxquels le Cameroun aurait renoncé. Les négociations pour le renouvellement de ces accords ont été engagées au début des années 2000 pratiquement au même moment où naissait la prétendue secte islamique Boko Haram. Cette coïncidence pour le moins curieuse a suscité plusieurs interrogations quant à la relation qui pouvait exister entre ces deux évènements. Paul Denis Keuchemen d’Afrique Media, lors de l’émission  « Le Débat Panafricain » répond a cette question en affirmant : « Nous avons maintenant des preuves que c’est la France qui est derrière Boko-Haram », en fait le Sieur Keuchemen ne disait que ce que l’immense majorité des camerounais pensaient… 

Il est donc clair pour la majorité des camerounais et des observateurs attentifs que le conflit contre Boko Haram est en réalité, un affrontement opposant le Cameroun à la France. Les dernières prospections qui font état de la présence d’abondants gisements de pétrole et d’uranium au nord du Cameroun d’une part, et la multiplication de ses partenaires économiques (en particulier la Chine) d’autre part, ne sont pas pour arranger les choses. Les « infidélités » du Cameroun ne sont pas du goût de la France qui est déterminée à garder son statut de grande puissance. 

Dans sa tentative de reprendre le contrôle des pays francophones qui lui échappent au profit de la Chine et des autres pays émergents, la France qui n’a pas les moyens de tenir la compétition  a entrepris de décapiter les gouvernements un peu trop proches de Pékin. Apres la Côte d’Ivoire, le Mali, la Centrafrique, c’était le tour du Cameroun, puis probablement celui de la Guinée Equatoriale et du Gabon qui montre des velléités d’émancipation. Seulement cette fois, les choses ne semblent pas bien aller comme dans les fois précédentes. La France est en train d’échouer au Cameroun. 

Dans ce dernier pays, la France fait face à deux obstacles majeurs: d’une part, un peuple revanchard qui a gardé dans sa conscience collective le souvenir du génocide commis sur elle par la France dans les années 60 et l’assassinat des leaders historiques alors même que le sang du génocide n’avait pas encore séché ; d’autre part un président qui maitrise les méthodes d’actions de la classe dirigeante française et sa façon de penser car formé dans les mêmes écoles d’élite. Il a par exemple le même parcours académique que Lionel Jospin (ancien PM) ou Jacques Chirac aux classes préparatoires à Louis-Le-Grand, à l’Institut d’Etude Politiques de Paris (IEP) plus connue sous le nom de Sciences-Po, et enfin à l’Ecole Nationale d’Administration (ENA). 

La première manifestation de son génie politique dans la gestion du conflit actuel réside dans le choix délibéré de ne pas faire de la France un adversaire officiel du Cameroun. Dans ses discours, il ne tient aucun langage hostile à la France, qu’il au contraire prend soin de remercier au même titre que la Chine et la Russie pour son soutien. Les multinationales françaises continuent de gagner des marchés, bien qu’en nombre réduit, et conduisent tranquillement leurs affaires sur le territoire national sans inquiétude. 

Cette approche souple a l’avantage de diviser la classe politique française entre ceux qui veulent en découdre avec le Cameroun et ceux-là qui conseillent d’attendre et de s’adapter éventuellement aux nouvelles données au risque de tout perdre.  En gardant la France dans la classe des « amis » du Cameroun, il évite de se mettre à dos les pays occidentaux alliés de la France, l’empêche de soutenir Boko Haram ou un quelconque groupe de rebelle de façon officielle, donc significative, la contraignant à des opérations clandestines. Et même lorsque la télévision panafricaine Afrique Media dans l’une de ses émissions évoque la capture de soldats à la peau blanche dans les zones de combats à l’Extrême-Nord du Cameroun, le gouvernement camerounais s’abstient d’embarrasser. L’affaire est gérée discrètement, à l’abri du regard inquisiteur et furieux du public. 

Paul Biya adopte la même attitude avec le Tchad que beaucoup de camerounais  soupçonnent de collusion avec la France dans ses aventures de déstabilisation des pays francophones. Au lieu d’adopter une attitude hostile vis-à-vis de ce voisin, très proche de la France et dont le rôle de partenaire de la France dans les conflits maliens et centrafricains n’inspire tout de même pas confiance, le président camerounais a la même approche souple. Il invite, consulte et traite amicalement. Il attend que le doute sur la capacité du Cameroun à contrer cette tentative de déstabilisation, soit dissipé pour envoyer le Ministre de la Défense invité le Tchad à rejoindre le camp gagnant, ce qu’il fait allègrement. 

Contrairement à ce que beaucoup d’internautes pensaient  et ce que la presse occidentale laisse faussement entendre, le Cameroun n’a pas invité le Tchad pour gagner une guerre qu’il était en train de perdre. C’est la France qui  est en train de perdre. Elle voit son plus grand partenaire de la région prendre une position officielle en faveur de son adversaire du moment dans une grande victoire diplomatique pour le Cameroun. La victoire étant attrayante  et de nombreux pays, acteurs régionaux et internationaux  étant rassurés sur la capacité du Cameroun à se défendre rejoignent le Tchad dans son soutien au Cameroun. 

Cela dit, nous devons préciser que la présence des troupes tchadiennes est une aide qui va être très utile au Cameroun dans ce conflit, d’abord parce que ce sont des forces aguerries au combat sur le terrain semi-désertique de la région et  contre ce genre d’adversaires. Ensuite, elles diminuent la charge de travail qui pesaient sur l’armée camerounaise qui aurait eu à faire appel à d’autres unités pour couvrir le territoire que l’armée tchadienne va ratisser. Nous devons accueillir les troupes Tchadiennes avec joie et enthousiasme. Bien que le Tchad soit aussi venu défendre ses intérêts stratégiques, c’est un pays frère qui  met à contribution près de 2500 hommes, du  matériel lourd  et d’importantes ressources financières  pour soutenir le Cameroun dans ce que nous espérons sera le premier épisode d’un partenariat stratégique entre les deux voisins et une nouvelle façon de régler les problèmes des pays africains. Si les pays africains prennent l’habitude de s’assister comme cela, les prédateurs feront bien plus attention dans leurs tentatives de déstabilisation des  pays africains qui deviendront rares. Il ne reste qu’à inviter des troupes angolaises et sud-africaines pour affirmer cette tendance. 

Ce que la France perd le plus dans cette aventure camerounaise c’est son image d’invincibilité,  ce qu’elle encaisse comme coup c’est sa démystification. Depuis avant les indépendances Paris  fait la pluie et le beau temps en Afrique francophone, décidant de qui accède ou perd le pouvoir. Ce sera probablement la première fois dans l’histoire récente que non seulement la France n’arrive pas à faire partir un chef d’Etat, y compris par à travers une  lutte armée, en présence d’un public aussi nombreux. En effet, les évènements qui se déroulent au Cameroun sont suivis de près par les autres dirigeants africains et du monde, mais aussi par les peuples africains, spécialement celui des pays déjà déstabilisés qui  soutiennent le combat que les Camerounais mènent pour leur indépendance. 

C’est aussi tout cela qui la rend la France plus dangereuse. Elle ne peut se permettre de perdre la face devant  le monde entier. Elle ne va pas choisir de s’ajuster aux nouvelles réalités africaines. Au contraire, il faudra s’attendre à une intensification des combats et un soutien souterrain plus accentué des autres puissances occidentales qui tiennent à garder l’image d’invincibilité de la race blanche. Son échec sur le terrain camerounais pourrait faire des émules avec comme corollaire la perte de son influence en Afrique centrale ainsi que son statut de grande puissance. Ce qui nous amène à étudier les options de la France à ce niveau. 

L’une des choses qu’elle aimerait faire c’est d’étouffer le Cameroun financièrement comme elle l’a fait avec la Côte d’Ivoire à travers le Franc CFA. Mais cette option a besoin d’un consensus international sous forme de sanctions prises aux Nations Unies, ce qui pour le moment est difficile étant donné l’excellente conduite que le Cameroun fait de la guerre et de la présence de pays alliés tels que la Russie et la Chine  dans ces instances. De plus, le Cameroun a des relations importantes avec de nombreux pays qui ont le potentiel de diminuer l’impact d’éventuelles sanctions économiques et financières. Nous espérons que les stratèges camerounais ont la guerre financière dans leur esprit et qu’ils travaillent pour y parer. 

Mais la France pourrait contourner cet obstacle en provoquant de façon délibérée un grave incident résultant en un grand nombre de morts, une sorte de massacres de populations, de préférence des ressortissants occidentaux (même si l’on ne voit pas bien comment ça pourrait se faire dans ce cas-ci) qui lui donnerait un mandat des Nations Unies pour intervenir directement. Nous nous rappelons tous le rôle partisan de l’ONU dans la crise ivoirienne, rôle qu’il serait en train de reprendre au Cameroun. Selon Afrique Media, les autorités camerounaises auraient attrapé un container des Nations Unies contenant des armes destinées à Boko Haram. 

Ce ne serait pas nouveau. Pendant la crise ivoirienne, des mercenaires ukrainiens pilotant des avions de chasse ivoiriens avaient attaqué sans que l’on ne sache pourquoi une position de l’armée française provoquant la mort de 9 soldats français dans un incident qui avait servi de prétexte à la France pour détruire l’aviation ivoirienne, lui enlevant cet avantage militaire face aux rebelles. La France avait refusé prendre ces mercenaires qui lui avaient été remis par le Togo où ils étaient entrés dans leur tentative de fuir les lieux du crime. 

Etant donné que le label terroriste ne semble pas marcher, Boko Haram pourrait prendre la forme d’un véritable mouvement rebelle dont l’objectif officiel serait de renverser le pouvoir camerounais. Dans ce cas, la France et même le Tchad pourraient dire qu’ils ne se mêlent pas d’affaires internes du Cameroun et retirer leur soutien de forme (pour la France) et leurs troupes (pour le Tchad). 

Paris pourrait aussi envisager l’élimination physique du président Biya. Ne riez pas car elle a déjà essayé de le faire  sans succès et sa longue liste d’assassinats de leaders africains est là pour nous édifier. Le président Gbagbo avait lui-même envisagé cette hypothèse au plus fort de la crise qui secouait son pays. Lors de l’un de ses voyages sur Paris ainsi qu’il le décrit dans son livre (avec comme co-auteur le journaliste français François Mattei) Pour que la Vérité Et La Justice, il a choisi de prendre un vol Air France parce qu’il craignait que son avion personnel soit abattu en plein vol. L’élimination du président camerounais, ne garantirait peut-être pas la prise du pouvoir par un des agents camerounais de la France, mais elle fragiliserait et probablement déstructurerait l’Etat permettant à Boko Haram de faire sa conquête d’une partie importante du territoire camerounais. Son but n’étant pas d’arriver à Yaoundé, mais de conquérir  une partie suffisamment importante du territoire camerounais pour pousser le gouvernement à négocier une solution politique, à travers laquelle il imposerait ses agents, comme en Côte d’Ivoire. 

De plus petites actions peuvent être envisagées à l’instar de la provocation d’un incident pour mettre les troupes camerounaises et Tchadiennes ou alors les populations camerounaises et ces troupes à couteaux-tirés.  Elle pourrait aussi passer par l’aide directe aux réfugiés ou à travers un pays allié pour créer un incident. 

La guerre n’est pas terminée et va s’intensifier au contraire avons-nous dit. La chute de la base de Baga pourrait en être un indice. En effet, pourquoi après s’être plaints du fait que le mouvement islamiste soit diffus et insaisissable, ces pays, qui promettent, le Nigeria en tête, de combattre énergiquement le terrorisme n’ont-ils pas attaqué et au besoin bombardé cette base maintenant que l’on sait où se trouve ses troupes ? La chute de cette base militaire a-t-elle été un prétexte pour pourvoir Boko Haram d’un armement sophistiqué tel que des missiles anti-aériens? 

Quelle que soit la façon dont elle décide de procéder, les enjeux sont très élevés pour que la France accepte une défaite. Attendons-nous à des jours difficiles. C’est peut-être le moment de commencer à penser à une opération Coup de Cœur pour soutenir l’Etat. La guerre, ça coute cher, et le moins que nous puissions faire, c’est de contribuer  financièrement du confort de nos chaises moelleuses. 

Gabriel Makang pour le Sphinx Hebdo

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