Cameroun, Escroquerie politique et Effet Boomerang: Le cas Samba-Tchiroma

Au Cameroun, la culture du mensonge institutionnalisé installée par la dictature trentenaire de Paul Biya est en train de se retourner contre elle. «L’affaire Antoine Félix Samba» ne révèle pas seulement la frénésie avec laquelle certains fonctionnaires camerounais s’enrichissent. Elle a surtout le don de venir confirmer la prise en otage du pays par la famille présidentielle et ses démembrements.

 Cette semaine, le régime de Yaoundé à l’image souvent si soigneusement contrôlée et maîtrisée, nous a offert un spectacle d’une dissonance cognitive jamais égalée, où l’absence notoire de moralité et de décence a rivalisé avec l’escroquerie politique. L’ancien directeur général du budget Antoine Félix Samba nous a présenté une mini-basilique financée à coup de millions d’Euros que ses revenus ne peuvent justifier. Dans le même temps le ministre de la communication, Issa Tchiroma Bakarys’empressait quant à lui de parachever son meurtre symbolique en tentant encore une fois de poignarder le ministre d’État Marafa Hamidou Yaya dans le dos, aboutissant bien malgré lui à un résultat quasiment inverse. Car les faits sont têtus et le gouvernement se retrouve lui-même enterrer par ces mêmes faits dont ils accablent avec acharnement depuis des décennies quelques grands serviteurs de l’État comme le ministre d’État Marafa Hamidou Yaya, sans avoir jamais produit un commencement de preuve crédible.

C’est cette culture toxique du mensonge institutionnalisé, installée par une dictature trentenaire, est qui en train de se retourner contre elle

Et comme à son habitude, le gouvernement en tentant de défendre l’indéfendable a fini par tribaliser le débat, parce qu’il n’a en réalité aucun autre argument crédible pour expliquer à l’opinion publique pourquoi l’ancien directeur général du budget Antoine Félix Samba ne fait pas l’objet de poursuites dans le cadre de sa fameuse opération Épervier. En envoyant ainsi Issa Tchiroma faire diversion devant la presse et s’en prendre à un homme d’État reconnu internationalement comme prisonnier politique, et que l’ancien ambassadeur américain au Cameroun Garvey présentait dans Wikileaks comme “un homme à la compétence et l’intégrité impeccables”, Issa Tchiroma Bakary qui ne doit son poste qu’aux louanges qu’il récite à longueur de journée en faveur de “l’homme-lion” Paul Biya, apparaît pour ce qu’il a toujours été: un petit et minable escroc politique, comparativement au ministre d’État Marafa Hamidou Yaya dont il a souvent eu le toupet de vouloir se hisser à son niveau, au motif qu’ils sont tous les deux “Nordistes” dans le système de gouvernance tribale mis en place depuis 1982 par Paul Biya.

Ce petit roquet idéologique du régime Biya a bien du mal à expliquer pourquoi deux poids deux mesures?

En effet par leurs agissements, il est très difficile de discerner où se niche la vérité, la décence, et la civilité dans le spectacle pitoyable qui est offert par messieurs Tchiroma et Samba. Une politique aussi violente et sauvage contre la vérité et la décence est naturellement vouée à l’échec. À long terme, elle est toujours préjudiciable à la société toute entière parce que le tribalisme qu’elle répand et soutend sera l’expression par excellence d’une pratique politique du courtermiste qui finit hélas régulièrement dans un bain de sang. C’est en cela que l’avidité et le mensonge ne peuvent pas être des modèles en politique. Les Camerounais se souviendront toujours qu’au début de son règne, le président Biya leur avait demandé “quel Cameroun voulons- nous pour nos enfants?” Pourquoi le ministron Issa Tchiroma Bakary s’avère bien incapable aujourd’hui de répondre à cette question simple?

Olivier Tchouaffe PhD, contributeur du CL2P, et Joël Didier Engo président du CL2P

Cameroun: La Maison Du Directeur G. Du Budget Antoine Félix Samba!!! © Global Flash Info

LE CAMEROUN PRIS EN OTAGE PAR UNE FAMILLE

biya-geneve

Par Michel Biem Tong, journaliste, Hurinews.com

Osons le dire sans ambages. Ce qu’il est convenu d’appeler « l’affaire Antoine Félix Samba » n’est pas seulement venu révéler la frénésie avec laquelle certains fonctionnaires camerounais s’enrichissent. Elle a aussi le don de confirmer de ce que je n’ai de cesse de soutenir chaque fois que j’en ai l’occasion: le Cameroun est depuis le 6 novembre 1982 sous la direction d’un lobby familial qui contrôle tous les secteurs de la vie politique, économique et sociale du pays.

Ce lobby est constitué du fils, des fils adoptifs, des neveux, des oncles, des cousins du président camerounais, Paul Biya. Un autre démembrement de ce lobby non moins important c’est celui qu’on appelle vulgairement au Cameroun « le réseau nanga » rattaché à la Première Dame, Chantal Biya. Il s’agit pour la plupart des membres de sa famille à elle, originaire soit du département de la Haute Sanaga, soit de Dimako, dans la région de l’Est. Sans oublier le directeur du Cabinet Civil, Martin Belinga Eboutou, camarade de classe, confident et homme de main de Paul Biya, qui est l’un des piliers de ce lobby.

C’est donc ce noyau dur qui constitue ce que les spécialistes de la science administrative appellent « le réseau informel du pouvoir » au Cameroun. C’est ce groupuscule qui détient les réels pouvoirs et contrôle tous les pans de l’économie du pays. Au sein de l’appareil politique, administratif et sécuritaire, ils ont placé leurs pions. Ils jouissent d’une immunité presqu’acquise. Empêtrés dans de graves scandales financiers, aucun magistrat du Tribunal criminel spécial (qui du reste est leur fabrication) n’oserait toquer à leur porte.

«APRES BIYA, C’EST BIYA»

Antoine Samba dont la proximité avec la Première Dame de par son épouse est connue de tous ne donnera jamais les noms des entreprises qui l’aident à exporter son cacao. Sans doute parce que son « bras long » lui permet de contourner le fisc et la douane et d’engranger d’énormes bénéfices lui permettant de se bâtir une demeure de nabab comme celle qui fait le tour des réseaux sociaux depuis quelques jours.

N’allez surtout pas remettre en question le fait pour l’Etat du Cameroun d’avoir affecté 100 millions de F CFA du Budget d’investissement public de 2016 à un établissement scolaire appartenant à Martin Belinga Eboutou. Personne ne vous écoutera. Tout comme Jean Foumane Akame, conseiller juridique du chef de l’Etat, ne s’expliquera jamais sur le milliard qu’il a fait virer en février 2005 dans le compte d’une société fictive appelée ATT/B à Monaco alors que ce pactole était destiné à une société sud-africaine ATT Ltd recrutée pour auditer les contrats de maintenance d’avion de la défunte Cameroon Airlines.

Franck Biya peut jongler avec les obligations du Trésor à coupon zéro (OTZ) et y engranger des milliards de F CFA sans avoir à s’expliquer devant la justice. Bref, ils sont intouchables et s’offrent des passe-droits. Ce lobby ne jure que par la confiscation du pouvoir. Un de ses représentants sur les réseaux sociaux qui se présentent comme le président d’un mouvement des hommes d’affaires en est convaincu : «APRES BIYA, C’EST BIYA».

OPERATION ÉPERVIER

La plupart d’anciens hauts commis de l’État que ce lobby a jetés en prison dans le cadre de l’Opération Épervier (et qui sont des détenus politiques) sont ceux dont le dynamisme et la compétence mettaient à mal ses desseins. Celui de confisquer le pouvoir. Les membres de cette famille royale ont aussi la particularité d’avoir une certaine presse à ses côtés.

Jamais vous ne trouverez un journal camerounais consacrer des articles sur un scandale financier dans lequel Foumane Akame, Belinga Eboutou ou Franck Biya par exemple sont impliqués. Jamais. Il s’en trouve toujours des hommes politiques ou des hommes de médias pour défendre leur cause. Privilège dont d’autres dans ce système gouvernant ne jouiront jamais.

Michel Biem Tong, journalisteHurinews.com

Lu sur Médiapart

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