Retrait des statues des confédérés aux EU : Quand d’autres se débarrassent des symboles honteux, l’Afrique célèbre ses bourreaux

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(CAMEROONVOICE) – Parce que l’actualité s’y prête, nous prendrons à titre exemplaire les Etats-Unis d’Amérique où la plupart des citoyens, toutes couleurs confondues, expriment avec véhémence leur volonté de rupture d’avec les symboles esclavagistes de leur passé. Tout le Contraire de l’Afrique où complaisamment, comme si tout le monde ici souffrait du syndrome de Stockholm, dirigeants et peuples –à l’exception de quelques esprits qualifiés de “psychotiques”– s’activent à honorer, voire à préserver les symboles de leur terreur, la mémoire même de ceux-là qui ont marqué au fer rouge de l’oppression leur existence, qui ont œuvré à maintenir nos pays sous le joug de leur domination.

Certes ce n’est pas encore acquis, des voix divergentes se faisant entendre pour justifier, au nom de l’histoire et de ses vestiges, la conservation dans le patrimoine  historico-culturel des Etats-Unis, des monuments érigés à la gloire ou en hommage à des personnalités  qui sont entrés dans la postérité comme des sécessionnistes, et qui, s’ils l’avaient emporté à l’issue de la guerre de la guerre civile américaine de 1861 à 1865, auraient empêché la réalisation des Etats-Unis sous leur forme actuelle. En d’autres termes, les anti-héros d’une Amérique qu’ils voulaient raciste et esclavagiste, mais qui opta de ramer à contre-courant de cette idéologie exécrable.

Mais on l’a tous vu, aux Etats-Unis, hormis les voix des négationnistes impénitents comme Donald Trump qui s’obstinent à penser et à affirmer qu’il faut diviser la poire des torts en deux, entre racistes–révisionnistes—Blancs-“suprémacistes” d’Extrême-droite et partisans d’une Amérique multiraciale et tolérante, les Américains, dans leur immense majorité, Blancs, Noirs, Métis, Indiens… sont ligués contre leurs anti-héros, et s’activent à reléguer leurs mémoires aux oubliettes de l’enfer. Pour le faire savoir, ils déboulonnent ici et là les statuts érigés dans le Sud en hommage à ceux qui incarnent ce que le maire de Gainesville (comté d’Alachua, dans l’État de Floride), Lauren Poe, a qualifié lundi d’“édifices qui témoignent en fait du péché originel de l’Amérique”.


Jusqu’à preuve du contraire, aucun de ceux qui ont déboulonné les statues dans des villes américaines, contre l’avis du tout puissant président des Etats-Unis –qui, nous le supposons, ne partage pas les leurs-, n’ont pas été inquiétés. Au contraire, ils ont été encouragés par leurs autorités. 

André Blaise Essama, porte-flambeau de la lutte pour la reconnaissance des héros de l’indépendance au Cameroun

Mais que fait-on en Afrique, où, comme le soulignait dans une tribune publiée dans ses colonnes l’hebdomadaire jeune Afrique,« plus d’un demi-siècle après les indépendances, des rues, des bâtiments et des monuments continuent de rendre hommage aux anciens oppresseurs » ? Rien ou presque, en effet !

Au Cameroun par exemple, on ne compte pas le nombre de fois où l’activiste André Blaise Essama a dû effectuer des séjours longue durée au pénitencier de New-Bell dans la capitale économique, Douala, pour avoir renversé des monuments coloniaux tels celui du “soldat Inconnu” qui trône à l’entrée du quartier administratif, ou celui dédié à un certain général Leclerc de Hauteclocque que les camerounais ne connaissent ni d’Adam, ni d’Eve.


«Le Cameroun est dans un système de gouvernance où on honore nos bourreaux et on déshonore nos héros. Il faut que cela cesse. Je préfère comme tout Camerounais voir ériger en ces lieux les statues de nos héros nationalistes ; de nos soldats, sous-officiers, officiers et officiers supérieurs (par exemple la statue du lieutenant Ndonkeng, l’un des premiers officiers de l’armée camerounaise) tombés sur le champ d’honneur, singulièrement au front, dans la lutte contre le groupe terroriste Boko Haram dans la région de l’Extrême-Nord…pour ne citer que ce cas», affirmait ce nationaliste traité de “fou” par certains bienpensants, qui s’est battu en vain pour que soit érigé dans cette ville le monument de l’incommensurable martyr de la lutte du Cameroun pour sa souveraineté, Ruben Um Nyobe, fondateur du parti nationaliste UPC.


André Blaise Essama le révélait d’ailleurs en août 2015, alors qu’il venait de renverser pour la énième fois la statue du soi-disant soldat inconnu d’une guerre qui ne concernait le Cameroun en rien : «Nous avons demandé à la communauté urbaine de Douala depuis plus d’un an de nous indiquer tout simplement la place pour placer le monument de Um Nyobe. Nous sommes toujours sans suite. Alors que tout est prêt, on nous tourne comme des étrangers perdus dans un pays quelconque. Nous avons consenti des moyens financiers pour construire une immense statue de 2,10 mètres et 170 kilogrammes, fait en bronze et laiton qui souffre dans la nature. Les autorités communales foulent même au pied les prescriptions du président de la République qui a donné la possibilité au Camerounais de reconnaître ces héros de l’indépendance. Il faut donc qu’on agisse ainsi…».

A sa dernière sortie de prison en 2016, pour cette cause, il a dû ferrailler dur en exploitant des dispositions des textes communaux pour convaincre l’exécutif de la communal de la ville de Douala de lui indiquer un endroit où il allait placer le monument de Ruben Um Nyobe, le véritable père de l’indépendance du Cameroun. «A chaque peuple ses héros, et chaque nation ses fiertés. Il était temps d’améliorer la politique mémorielle». Avant d’ajouter ; «Il fallait commencer par le père de l’indépendance », dira-t-il non sans expliquer que «C’est après avoir rencontré les veuves Um Nyobe nées Ngo Mayag Marthe et  Ngo Ndjock Marie abandonné s dans le dénuement que j’ai compris qu’il fallait me battre même aux prix de ma vie».

Ce n’est qu’en juin dernier qu’il a finalement obtenu gain de cause, ainsi que le laisse penser le document de synthèse des investissements du Ministère des Marchés publics dans la région du Littoral (exercice 2017), qui évoque un projet «d’Aménagement de l’esplanade devant recevoir le monument de Ruben Um Nyobe à l’avenue Um Nyobe (Ndlr Carrefour Njo-Njo» pour un montant de 15 millions FCFA. Bien sûr plus récupérateur qu’à leur tour, les autorités publiques s’en sont approprié. Résultat, le maitre d’ouvrage est la Communauté urbaine de Douala (CUD) et le nom de Essama n’est mentionné nulle part, pas plus que celui de l’un de ses devanciers dans la démolition des monuments coloniaux et l’exigence de la reconnaissance des nationalistes camerounais.

La réception des travaux  est officiellement attendue pour le 06 octobre 2017, mais les Camerounais attendent de voir pour y croire. D’autres pensent que même si le monument de Um est dressé à Douala, ils ne supporteraient pas qu’il puisse être côtoyé par ceux des bourreaux des nationalistes camerounais défunts, et envisagent un autre combat « à nos risques et périls, pour que Douala soit débarrassée de ces vestiges du colonialisme et de l’exploitation de notre peuple. » Il y a donc du chaud en perspective pour des actions patriotiques qui, ailleurs, iraient de soi, comme l’illustre l’exemple américain.

Des actions comme celle de Essama du Cameroun qui affirme que « La destruction de ce monument est un retour d’ascenseur au général Leclerc, en souvenir des martyrs camerounais injustement décapités et pendus par la France »,  sont très isolées en Afrique où, même si les gens pensent qu’il faut couper le cordon ombilical, avec un passé tragique imposé par l’oppresseur, ils sont toujours pris d’un doute tétanisant quant à l’opportunité de sauter le pas.

L’Afrique du Sud où le mouvement estudiantin “Rhodes Must Fall” (“Rhodes doit tomber”) déboucha sur le retrait de la statue érigée au cœur de l’université du Cap à la mémoire de ce “suprémaciste” blanc d’Afrique du Sud et père de la ségrégation raciale dans ce pays, est une belle illustration de notre propos.

 
Le monument de Cecil Rhodes a finalement été retiré de l’Université du Cap en Afrique du Sud

En effet, alors que surfant sur cette vague l’opposant Julius Malema que le pays soit débarrassé de tous les  vestiges de la ségrégation raciale, le président Zuma que l’on soupçonnerait pourtant  difficilement de sympathie pour l’apartheid rétorquait : « Si vous lisez un livre d’histoire, vous ne déchirez pas les pages qui sont douloureuses. […] L’histoire doit être enseignée avec ses aspects douloureux et dévastateurs… Ce dont nous devrions plutôt discuter, c’est de l’emplacement de ces monuments coloniaux et de l’apartheid. La colère ne construit pas une nation, elle la détruit. »

C’est dire qu’il y a encore du chemin à faire pour que les Africains acceptent de faire face à leurs persécuteurs.

Et après, on s’étonnera toujours que les autres aient toujours une longueur d’avance sur cette Afrique, toujours en train de hocher la tête (de bas en haut et de haut en bas) quand elle dit non des lèvres, au lieu de la secouer de gauche à droite et de droite à gauche, pour bien se faire comprendre.

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