Donald Trump a notamment estimé qu'il y avait « des gens très bien » aussi bien chez les militants antiracistes que dans les groupuscules suprémacistes blancs.AFP/JIM WATSON |
En renvoyant dos à dos suprémacistes blancs et antiracistes, le président américain a choqué dans son camp. Les milieux économiques aussi commencent à se détourner de lui.
En presque sept mois de mandat, l’Amérique — comme le reste du monde — s’est habituée aux dérapages de Donald Trump. Sauf que cette fois, ce n’est plus une ligne jaune que le président a franchie. Elle est devenue rouge, et c’est le cœur d’un pays qui semble saigner depuis que, mardi soir, Trump a clairement renvoyé dos à dos les groupuscules suprémacistes blancs — dont un sympathisant a tué une jeune femme samedi à Charlottesville (Virginie) — et les manifestants antiracistes. « Vous aviez un groupe d’un côté qui était agressif. Et vous aviez un groupe de l’autre côté qui était aussi très violent. Personne ne veut le dire », a expliqué Trump, ton accusateur, assurant qu’il y avait aussi « des gens très bien » dans chaque camp.
Depuis cette sortie, impensable dans la bouche d’un président dont la première mission est d’incarner l’union du pays, quelque chose a changé aux Etats-Unis. Il fallait voir le malaise à peine dissimulé de John Kelly, le nouveau secrétaire général de la Maison-Blanche, plongeant les yeux vers le sol, les épaules voûtées, pendant toute l’allocution de son patron.
Les ténors des républicains le lâchent
Fait rarissime, ses deux prédécesseurs républicains, George Bush père et fils, ont appelé hier leurs concitoyens à « toujours rejeter le racisme, l’antisémitisme et la haine sous toutes ses formes ». Et ce dans un communiqué commun, comme si les 41e et 43e présidents estimaient que le n° 45 abîmait les valeurs les plus fondamentales des Etats-Unis.
Dans son propre camp, les critiques sidérées ont fusé toute la journée. Les lâchages aussi. « Accuser les deux côtés après Charlottesville ? Non ! » s’est emportée Ileana Ros-Lehtinen, représentante républicaine de Floride. « A Charlottesville, les torts sont clairement du côté du Ku Klux Klan et des suprémacistes blancs », a tranché elle aussi Ronna Romney McDaniel, qui dirige le Parti républicain. Quant au sénateur Lindsey Graham, il s’est inquiété que « le parti de Lincoln offre un siège accueillant aux David Duke (leadeur du Ku Klux Klan) de ce monde ».
Certes, Trump n’a jamais fait l’unanimité chez les Républicains, dont beaucoup s’étaient pincé le nez pour le soutenir. Mais cette fois, l’indignation est largement partagée et Trump n’a trouvé quasiment aucun ténor pour aller le soutenir dans les médias. Pourquoi une telle vague d’indignation ? Peut-être parce que, mardi soir, le président a donné l’impression de dire réellement ce qu’il pensait, contrairement à son discours très lisse de la veille, lu sur téléprompteur, où il condamnait les « violences racistes » de l’extrême droite.
Plus grave pour lui, le monde de l’entreprise commence à lui tourner le dos. Plusieurs PDG de premier plan, comme celui du groupe pharmaceutique Merck, ont claqué la porte du Conseil pour l’industrie, chargé de le conseiller sur sa politique économique. Vexé d’être ainsi défié, Trump a annoncé dans un tweet rageur la suppression de ce cénacle, ainsi que celle du Forum de stratégie et de politique.
Depuis la fin du mois de juillet, la Maison-Blanche ne tourne plus rond, donnant l’impression d’être un morceau de banquise en train de se détacher. Et ça ne rassure personne.
CHLOÉ COHEN