C'est la quintessence d'un communiqué rendu public il y a environ trois heures par le Secrétaire Général de la Présidence de la République, Ferdinand Ngoh Ngoh. Le chef de l'Etat camerounais, Paul Biya, « a décidé ce jour, de l'arrêt des poursuites pendantes devant les Tribunaux Militaires, contre un certain nombre de personnes arrêtées pour des délits commis dans le cadre de la crise dans les régions du Nord-ouest et du Sud-ouest ».
Selon le scribe de Paul Biya, 289 individus « au total » sont concernés par cette décision présidentielle dont le ministre délégué à la Présidence chargé de la Défense est chargé de l'application.
Jamais en retard d'une exégèse propagandiste de l'acte présidentielle, monsieur Ngoh Ngoh qui lie cette décision de son patron à la création récente du Comité National de Désarmement, de Démobilisation et de réintégration, croit savoir qu'elle procède de la volonté du Chef de l'Etat de « permettre à nos jeunes compatriotes de ces deux régions désireux de renoncer à la violence de revenir dans le droit chemin de pouvoir de nouveau participer à la grande œuvre de construction nationale ».
Cette décision du président Biya ne manquera pas d'être saluée pour sa contribution, infime fut-elle, à la résorption de la crise sociopolitique qui oppose jusque dans les plus petits hameaux des deux régions anglophones son armée et les populations anglophones au sein desquelles se sont constitués des groupes armés pour résister par la violence à l'oppression et à la répression des leurs par les forces de sécurité et de défense gouvernementales.
Il reste que la décision, pour être marquée d'un zeste de bonne volonté, n'en est pas moins biaisée.
D'abord, il s'agit de 289 individus « au total » à libérer, sur la base de critères qui doivent certainement être subjectifs, voire arbitraires, en tout cas strictement politi…ciens, alors que les anglophones les plus modérés qui continuent de croire en leur Camerounité, c'est-à-dire ceux qui ne sont pas des mordus de la sécession, évoquent en termes de milliers ceux des leurs qui sont poursuivis ou détenus dans les prisons du président Biya.
Tout compte fait, et quoiqu'il soit évident qu'après la libération de 289 personnes il en restera encore des tas de centaines poursuivis ou détenus, et qui plus est la décision présidentielle ne concernant pas les personnes déjà définitivement condamnées, le geste de Paul Biya est à encourager fortement dans l'intérêt du retour de la paix.
On pressent cependant que ses collaborateurs ne vont profiter du nombre très limité des personnes à libérer pour ne libérer que ceux qu'ils veulent en nous remettant ainsi la mauvaise option de l'année dernière qui avait consisté à interpréter à leur guise le décret sur la cessation des poursuites contre une centaine de personnes pour trier sur le volet des gens à libérer qui se sont finalement révélés ne pas avoir suffisamment de prise sur les insurgés armés. Bien plus, Les collaborateurs de Paul Biya ne doivent pas perdre de vue que l'arrestation au Nigeria de Julius Ayuk Tabe et d'une dizaine de ses compagnons de la direction du “gouvernement fédéral provisoire d'Ambazonie” avait servi de prétexte à l'intensification des assauts armés des insurgés anglophones contre les forces gouvernementales.
A cet égard, monsieur Ayuk Tabe et compagnie dont la cause est encore pendante devant le Tribunal militaire de yaoundé, ou notre confrère Michel Mbiem Tong, dans la même situation, pourraient être parmi les bénéficiaires de cette mesure d'élargissement que cela ne ferait du mal à personne.
Inutile de mettre le fait que des gens ont pris les armes contre l'armée et les institutions républicaines au risque de continuer de pourrir une situation qui a déjà coûté des hectolitres de sang et de larmes aux Camerounais de toutes parts, alors qu'il suffirait de considérer que l'Etat a autant sa part de responsabilité que les sécessionnistes dans ce drame pour que toutes les parties se résolvent à une paix des braves plus salutaire pour le pays que n'importe quelle épreuve de force.
Ci-dessous, le communiqué du ministre Ngoh Ngoh