Cameroun. Où sont passés les salaires de Denis Lavagne ?

Denis Lavagne

Dix jours après son limogeage l’ancien sélectionneur des Lions Indomptables menace de saisir la Fédération internationale de football association (Fifa) si ses 12 mois d’arriérés de salaire (120 millions Fcfa) ne sont pas réglés. Au ministère des Sports et de l’éducation physique (Minsep), on banalise la sortie du « sorcier blanc », pendant qu’à la Fécafoot, on refuse tout commentaire sur le sujet. L’Etat du Cameroun serait-il donc insolvable ?

La nouvelle, quoique largement diffusée par les médias, est presque passée inaperçue. Sans doute parce qu’en l’entendant éructer sur les ondes de nos confrères de Radio France internationale (Rfi) mercredi 19 septembre, plusieurs Camerounais n’ont pas cru bon de prendre pour argent comptant les déclarations fracassantes du désormais ex sélectionneur des Lions indomptables. Assimilant ainsi la sortie du technicien français à de tristes complaintes d’un entraineur déchu qui refuse de capituler, choisissant plutôt de brailler dans le but d’attirer l’attention et se faire plus intéressant.

Pourtant, Denis Lavagne est formel lorsqu’il déclare à qui veut l’entendre que depuis sa nomination, le Minsep ne lui a jamais versé un kopeck. « Ils (Minsep) me doivent l’intégralité de 12 mois de salaire. J’ai contacté mon avocat ; on va voir l’évolution de cette affaire mais si mes salaires ne me sont pas payés rapidement, je saisirai la Fifa » menace-t-il. Lui qui se dit par ailleurs surpris que le ministre ait pris seul la décision de le suspendre sans consulter ni informer la Fécafoot. Ce qui n’est pas très réglementaire aux yeux de la Fifa, sachant que « les dirigeants de la Fécafoot me faisaient encore confiance pour qualifier l’équipe nationale pour la phase finale de la Can 2013 »

Lavagne sans salaires depuis 12 mois : simple chantage ou nouveau scandale de l’Etat insolvable? Au Minsep, où le reporter du Messager s’est rendu on ne veut plus revenir sur une page qui est déjà tournée. Ce d’autant plus que « cela s’assimile à une machination pilotée par des personnes tapies dans l’ombre, visant à déstabiliser la sérénité autour de cette équipe malade (…) Un entraineur sérieux ne devrait pas tenir de telles déclarations», commente sous cape un responsable à la direction des normes au Minsep. Pour lui comme pour plusieurs de ses collaborateurs, Lavagne, plutôt que de mettre en avant l’argument de la menace et de la supercherie devrait s’en remettre à la note de sa suspension telle que rédigée par Adoum Garoua : « l’intéressé continuera de bénéficier de son salaire et des avantages prévus dans son contrat de travail qui expire le 31 octobre 2012. » C’est dire que l’ancien patron du banc de touche des Lions percevait déjà ses salaires soit 10 millions Fcfa/mois avec obligation de résultat : la qualification pour la Can 2013 ainsi que pour la Coupe du monde 2014.

Difficile d’arracher un traître mot à la Fécafoot parce que, apprend-t-on ici, « c’est l’Etat qui paye ses entraîneurs. Le fédération n’est que l’organe technique ». Au mois de juillet dernier, Lavagne par voie de correspondance avait pourtant interpellé Iya Mohammed, le président de la Fécafoot pour lui signifier que depuis le mois d’octobre 2011 qu’il officie comme patron du banc de touche des Lions indomptables, il se contente des primes de matches, (elles s’élèvent à 8 millions Fcfa pour les matches des éliminatoires de la Can 2013 et 10 millions pour les victoires lors des éliminatoires du Mondial 2014).

Fracas

Qui faut-il croire donc à la fin : Lavagne, le Minsep ou la Fécafoot ? Quoi qu’il en soit, si les revendications de l’ancien manager de Coton sport de Garoua s’avéraient fondées, elles viendraient simplement se greffer au chapelet des plaintes portées par ses prédécesseurs à l’endroit de leurs employeurs que sont la Fécafoot et le Minsep. Car en dehors des résultats pitoyables qu’ils ont concédé, les techniciens qui se sont succédés au banc de touche des Lions indomptables ont presque tous connu le même destin. La rupture s’est toujours consommée avec fracas. On se souvient de Winfried Schäffer qui en 2004, avait brillé par le non-respect de la clause de résidence au Cameroun avait essuyé les foudres de Sigfried David Etame Massoma, alors ministre en charge des Sports de l’époque. Comme il fallait s y attendre, le « berger allemand » a été remercié au lendemain de la défaite des Lions Indomptables en Allemagne (3-0).

Mais sept mois après cette décision ministérielle, ce dernier, à l’image de Denis Lavagne, a décidé de contre attaquer en adressant une requête à la Fifa pour exiger le règlement de ses arriérés de salaire par la Fécafoot. On parlait d’une bagatelle de plus 74 millions Fcfa. A cela, le technicien allemand exigeait le versement de la « compensation pour rupture de contrat » (soit près de 90 millions Fcfa). Au total, ce sont plus de 166 millions Fcfa que Winfried Schäffer réclame à ses anciens employeurs.

Colère

Pareil pour le technicien hollandais Arie Haan qui, au cours de ses cinq mois de service à la tête de la sélection nationale du Cameroun, aurait brillé par des actes d’insubordination vis-à-vis de ses patrons qu’il n’a que rarement informés de ses agissements. Le 19 novembre 2010, il est condamné par la Fifa à payer 500.000 euros, soit  près de 330 millions Fcfa à la Fécafoot pour « rupture unilatérale du contrat de travail ». L’instance faîtière du football mondial avait alors donné 30 jours à l’intéressé pour s’acquitter de sa dette ; passé ce délai, le montant des réparations devait grimper de 5%.

Que dire de Javier Clemente, le mal aimé des fans des Lions. Après avoir reçu par mail un préavis de licenciement envoyé par les responsables du Minsep en octobre 2010, l’ancien coach de l’Athletico Bilbao entre dans une colère noire et décide quelques jours plus tard de traîner ses employeurs en justice. Il reproche à la partie camerounaise la rupture abusive de son contrat qui courait jusqu’en juin 2012.

Dans son réquisitoire adressé à la Fifa, le technicien ibérique réfute la raison évoquée par le Minsep et la Fécafoot pour justifier son licenciement, à savoir la non qualification des Lions indomptables pour la coupe d’Afrique des nations (Can) Gabon-Guinée équatoriale 2012. Pour réparer ce préjudice, Clemente exige environ 500 millions de Fcfa. Denis Lavagne va-t-il finalement mettre ses menaces à exécution ou alors ses employeurs qu’ils qualifient aujourd’hui « d’insolvables » vont lui payer ses droits, de peur que l’affaire ne s’ébruite à un moment où les attentions sont tournées vers le match du 14 octobre prochain ?

Christian TCHAPMI 

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